La dimension critique du réseau

Revue d’art depuis 2006

Révélations et jeunes créateurs pour les 50 ème Rencontres d’Arles

On attend toujours d’un festival international qu’à côté des artistes confirmés il joue pleinement son rôle de découvreur. L’intégration de l’ENSP avec ses diverses initiatives institutionnelles et étudiantes et , les nombreux prix décernés, la complémentarité de Voies Off contribuent à mettre en avant autant de projets novateurs.

Le nouveau bâtiment de l’Ecole National Supérieure de la Photographie construit par Marc Barani dans sa rectitude s’oppose à la tour de la fondation Luma que Maya Hoffmann a commandé à Franck Gehry, deux expositions réalisées dans le cursus des étudiants de 3e année y sont installées. Sous la direction de Fabien Vallos un groupe a opéré le commissariat de Modernité des passions une lecture de la collection d’Agnès b qui a accepté pour la première fois que des oeuvres d’étudiants soient mêlées à celles de ses artistes. La centaine d’oeuvres représentait des artistes aussi différents que George Tony Stoll, Nan Goldin, Jean-Luc Moulène, Florence Paradeis ou encore Jonas Mekas, Seydou Keita et Martin Parr. Les fictions de l’intime se développent autour des identités, de leurs rapports parfois violents en opposition à la recherche des plaisirs.

Depuis 2010, un partenariat entre l’ Inserm et ENSP sous le label La Recherche de l’art, repose sur le principe de résidences photographiques d’étudiants dans des laboratoires de l’Inserm au niveau national. Pour cette huitième et dernière édition, les 4 diplômés dirigés par Yannick Vernet ont encore une fois travaillé en toute indépendance. Deux d’entre elles posent différemment la question des représentations scientifiques. Hélène Bellenger interroge la culture visuelle et les choix d’expression dans l’imagerie scientifique, Diane Hymans montre des trajectoires diverses de l’iconographie dans la science notamment avec une installation de revue spécialisée. Les deux autres se préoccupent plus de la place de l’humain Quentin Carrierre interroge le rapport de la technique au corps du patient dans des sortes de Vanités, Pauline Rousseau dans une installation très sensible mais qui ne manque pas d’humour met en parallèle pour Coeur de beurre les mots du care et les maux du cœur.

Il est dommage que ces deux expos aient été fermées prématurément pour que le chantier se finalise dans l’été et puisse accueillir les étudiants à la rentrée.

Comme chaque année Une attention particulière constitue un choix institutionnel de quatre diplômés de l’année. L’espace qui leur est confié pour cette édition est très muséal. Cela permet la confrontation de deux travaux plus liés à l’identité, dans des formats assez traditionnels à deux installations. Théa Guéniot, pour not interested rapproche des portraits de son entourage en Polynésie à des paysages européens. Gaël Sillère oppose lui une double galerie d’objets et de personnages singuliers pour dresser le portrait des Êtres de demain, dans sa série Des fictions synthétiques. Le mur le plus grand est occupé par l’installation pluri-artistique de Timothée Pugeault qui questionne politiquement notre monde, de l’évasion fiscale à la guerre des drones. En ouverture de l’espace commun la série la plus réussie est due à Louise Mutrel qui a modifié ses images réalisées à Tokyo, pour retrouver avec Liquid (Ink) Night, Tokyo, 2019 une expérience sensorielle des matières de la ville dans ses flux humains.

Sans attendre leurs aînés l’Association des Etudiants organise pour les WIP (Work in Progress) un ensemble d’oeuvres mêlées des trois promotions. Depuis quelques années ils se sont même débarrassé de la tutelle d’un critique. En revanche après leur sélection initiale ils font appel à une scénographe Elizabeth Guyon . Son rôle est d’autant plus important cette année que pour la première fois ils sont hébergés dans le gymnase du collège Frédéric Mistral. Ce qui pour les visiteurs les rapproche géographiquement des entrepôt de la gare Ground Control lieu d’exposition des prix Découvertes et du Monoprix où cette année exposait Mahammed Bourouissa.Dans ce lieu difficile à investir la solution de grands lés de papier qui rappellent la chaîne du développement est particulièrement appropriée. Elle autorise aussi bien une lecture quasi verticale que des approches vues de dessus, à l’horizontal. Cela dynamise le déplacement du spectateur dans le lieu et favorise une perception plus individualisée des oeuvres.

Les locaux historiques de l’ENSP recevaient le prix Levallois dirigé par Catherine Derioz et Jacques Damez de la galerie Le Réverbère, sous la présidence de Rip Hopkins il a été décerné à Passages, de l’Ombre aux Images de Sara Imloul. Née en 1986 elle découvre le calotype il y a plus de dix ans et produit à la chambre photographique des oeuvres uniques qui manifestent la force de son univers plutôt sombre mais d’une grande prégnance.

Les prix décernés par Voies Off manifestent une même diversité. A côté de la puissance documentaire et humaine de Zoé Aubry récompensée par le prix lacritique.org, le prix SAIF décerné à l’espagnol Alfonso Almendros prend une dimension philosophique autour de ce questionnement Pour nommer une montagne. Pour la première année 3 prix sont attribués par la foire parisienne Fotofever associée à Dahinden. Julia Armager qui s’intéresse au caractère fragmentaire de la mémoire, a créé des mises en scène à partir de confidences faites par certains de ses proches concernant un de leur secret. Ce projet rejoint celui de Marie Nimier Les confidences publié cette année chez Gallimard. Rose Lecat organise des diptyques noir et blanc qui évoquent le ressenti des migrants lors de la traversée des Alpes. Le jeune congolais Alain Polo Nzuzi met en crise l’idéal masculin classique. Le prix Voies Off récompense un travail commun mené par Sanne de Wilde et Benedicte Kurzen sur la gémellité au Nigéria, prises directes et photographies mises en scène hautes en couleurs montrent le sort particulier des jumeaux dans une vision magique.

Le prix Découvertes cette année, parce que confié à divers commissaires en lien avec des galeries, révélait une réelle pluralité d’approches.Aucune relation entre les travaux des deux créateurs récompensées par le prix de la fondation Louis Roederer, le documentaire Kontakt de Máté Bartha présenté par la Galerie Tobe à Budapest (Hongrie) sur l’encadrement militaire des jeunes et  SUITE… de Laure Tiberghien défendue par la galerie Lumière des roses à Montreuil sur la matière couleur. Encore que l’on puisse rapprocher la radicalité de cette recherche de celle menée par le japonais Hanako Murakami pour sa série The Immaculate dans un commissariat de Pascal Beausse. Dans une autre direction les installations de lumière de Steve Bauras White Dreams Extended présentées par Yves Chatap ne pouvaient que retenir l’attention.