Revue CRITIQUE , un numéro spécial Georges Didi-Huberman

Le numéro 908-909 de la revue CRITIQUE publié par les éditions de MInuit est consacré à l’oeuvre multiforme de Georges Didi-Huberman. Pour le présenter le texte de 4ème page de couverture le qualifie ainsi : « Philosophe, écrivain, anthropologue de images et des affects, imagier subtil des mondes enfuis, et archiviste du temps présent ; montreur de formes et monteur de textes, ; guetteur au carrefour des langages et sismographe des solèvements ». Ce numéro dirigé par Yves Hersante t Philippe Roger nous incite à sa (r)lecture, à « sa passion du sens innervée par un souci éthique ».

Les auteurs rappellent l’importance dans son parcours de la pensée du fondateur de la revue CRITIQUE en 1946, Georges Bataille. Pour approcher ses principales oeuvres et les plus récents parmi ses 80 ouvrages rappelés dans la bibliographie finale, les responsables ont choisi les approches de philosophes et d’historiens de l’art mais aussi de spécialistes de la littérature et de l’Histoire. Pas seulement théorique ce numéro aborde aussi la dimension biographique avec sa relation à Saint Etienne sa ville de naissance ainsi qu’au flamenco et à la danse.

Le dossier s’ouvre sur un texte inédit de l’auteur « la question de la réponse » qu’il conclut sur cette interrogation :
« N’est-il pas évident qu’en chaque pensée gît et se déplace une émotion ? Que chaque pensée est donc affectée, affective ? Et qu’il ne tient qu’à nous , face à qui nous regarde, de la rendre non pas « tueuse d’affects » mais bien affectueuse ? »
Ce texte reprenant la thématique de son dernier essai Brouillard de peines et de désirs, Faits d’affects I , paru chez Minuit Yves Hersant en mène l’analyse dans son texte Mobilis in mobili .

Il rappelle que le livre s’ouvre sur une image vidéo des battements cardiaques de l’auteur et se clôt sur les pas de danse du torero José Tomàs et trouve un équilibre entre une pensée à la fois conceptuelle et affective.

Philippe Røger revient quant à lui sur un livre de 2022 consacré à Victor Klemperer Le témoin jusqu’au bout, qui a échappé à la Gestapo et a rédigé de nombreux écrits antifascistes clandestins. Didi-Huberman évoque l’ouvrage publié en français en 1996 La langue du IIIème Reich ainsi que le primat du Journal en deux tomes édité en France en 2000 par le Seuil où l’émotion domine pour accompagner l’engagement.

Michèle Cohen-Halimi reste dans le champ historique et esthétique en proposant L’image survivante, à propos d’Aby Warburg en tant qu’une contre-histoire de l’art. Elle y désigne l’essayiste comme un psycho-historien , selon la propre définition de Warburg.

Dans le prolongement de cette approche Bertrand Prévost interroge l’action de notre auteur approché dans toutes ses dimensions autour d’un renouveau radical de l’anthropologie des images , objet de son séminaire de près de 30 ans à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales.

Son ami Alexander Kluge, écrivain, cinéaste et philosophe auteur des deux tomes Chroniques des sentiments parus aux éditions P.O.L. clôt cette hommage par son texte Histoire du sensible, histoire sensible. Il insiste sur l’extrême attention portée aux « faits d’affects » objets de son actuel séminaire à l’Institut National d’Histoire de l’Art . Il y conjugue la notion de « formules passionnelles » avec le concept de « survivance » emprunté à Warburg.

L’ensemble des études de ce numéro rendent Georges Didi-Huberman non seulement novateur dans toutes sortes de domaine de la pensée , mais aussi capable d’inventivité dans toutes les recherches qu’il mène avec constance et passion.