S t a r d u s t

En 1968, les architectes Robert Venturi et Denise Scott Brown conduisent un séminaire sur Las Vegas. Le résultat de leurs recherches, Learning from Las Vegas, parait en 1972 et pose les fondations théoriques d’un urbanisme qui intègre les dimensions entropiques et vernaculaires de la ville. La première édition du livre est introuvable et hors de prix, elle reprend dans sa mise en page, le foisonnement sémiotique de la ville. Les éditions suivantes, voulues plus austères par les deux architectes, relèvent plus du manifeste théorique. Las Vegas studio, paru il y a quelques mois, offre un troisième point de vue sur le travail des deux architectes. Sans commentaire ni légende, Las Vegas studio offre une sélection des images prises au cours de leurs différents voyages d’études dans la ville du péché.

Ce qui nous est proposé n’est rien de plus qu’une coupe faite dans les archives, une archive de second ordre, un matériau semi-brut, à peine mis à distance par quelques essais autour du travail des architectes. Il n’est pas besoin de plus tant leur travail est devenu une référence immanquable, parmi leur filiation on compte notamment le fameux Delirious New York de Rem Koolhaas.

Du coup, ce livre d’images peut s’adosser à cet héritage, mais aussi être vu comme un objet indépendant. S’impose alors l’extraordinaire puissance visuelle du strip, de ses néons, ses enseignes et ses publicités, la puissance de la matière première qui sera ensuite organisée en une pensée sur notre urbanité de supermarché. En amont des problématiques théoriques, Las Vegas studio démontre par l’image la puissance de l’entertainment américain, sa capacité à produire de l’idéologie à partir de constructions lumineuses. Warhol évoque dans Ma philosophie de A à B, des cathédrales de lumière qui s’élèvent et disparaissent lorsque l’on éteint la lumière. Précisons que sa fascination ne porte curieusement pas sur Las Vegas ou Broadway, mais sur les projets d’Albert Speer.

Il existe plusieurs manière d’habiter cet espace à l’architecture pop. On en trouvera une particulière dans un livre publié en 1984 et qui regroupe textes, citations, images et témoignages. Marcel Duchamp joue et gagne contient un court texte de Walter Hopp, intitulé Duchamp in Vegas. Subtil contrepoint à l’archive jouissive de Brown et Venturi, Hopp y esquisse une autre manière de faire de Vegas son atelier.