S’assembler au présent

« Se souvenir du présent, esprits de l’assemblage » est le catalogue de l’exposition éponyme qui se tiendra au 19, à Montbéliard jusqu’au 16 janvier 2022 et dont le commissariat a été réalisé par Arnaud Zohou et Anne Giffon-Selle. Traçant des liens entre les assemblagistes californiens, les pratiquent rituels vaudou au Bénin et des artistes actuels, l’ouvrage offre une réflexion dense sur la notion d’assemblage et comporte notamment un texte inédit en français d’une chercheuse américaine spécialiste du Voudoun, Suzanne Preston-Blier, traduit par Jean-François Caro.

Ce catalogue donne à voir et à lire le processus de construction de l’exposition. Ce récit dans le récit, prend la forme d’un dialogue, chacun pense le projet à partir de son propre champ de recherche : l’art contemporain de la côté ouest des Etats-Unis pour Anne Giffon-Selle et le Vodoun béninois pour Arnaud Zohou. L’idée d’assemblage esquisse un lien entre les deux, notamment par les assemblagistes californiens et les pratiques d’assemblage dans le Vaudoun béninois.

Anne Giffon Selle associe cette notion à un principe d’individuation et cite Gilbert Simondon : « La technique de l’assemblage, c’est la technique artisanale de la solidité qui vise à faire un seul bloc avec plusieurs ». Si l’assemblage est un jeu entre les parties et le tout, quelque chose qui trouve sa solidité de son apparente fragilité, il est aussi une image des liens entre individus et collectif, entre populations et état. L’assemblage qu’il soit de l’ordre du collage, de la sculpture ou de l’installation, peut avoir une dimension spirituelle, qu’il y ait un renvoie esthétique à l’imagerie de diverses traditions ou que la réalisation ait une portée spirituelle en elle-même.La religion Voudoun est née de l’expansion du royaume de Dahomey au XVII° et XVIII° siècle dans une perspective syncrétique entre culture Fon et cosmologie Yoruba, elle connait aussi de multiples variations selon son espace de pratique (Haïti, Bénin, Togo…etc).

De même les assemblagistes californiens, comme Herms et Berman ont une approche très syncrétique de la spiritualité, dans cette terre multiculturelle de la Côte Ouest, marquée notamment par le New Age. Partir de l’existant, faire œuvre par assemblage c’est aussi utiliser des rebuts et se montrer sensible aux questions socio-économiques, c’est critiquer un système de valeur et donc offrir une œuvre liée au politique. Assembler, pourrait aussi, à l’échelle personnelle, se rassembler et tenir pour l’artiste les flux qui le traversent, les tensions qui menacent l’explosion de sa psyché ou les forces qui en permettent l’équilibre.

L’exposition comme le catalogue présentent des objets vodoun de la collection de Gabin Djimassé, mais également des représentants de l’assemblage californien comme George Herms ou Wallace Berman, des artistes français comme Aurélia Joubert et Julien Creuzet ou encore l’artiste camerounais Hervé Youmbi dont l’installation Single faced/ Rhinomask interroge le statut de l’objet artistique, rituel, ethnographique en présentant au 19 dans une exposition d’art contemporain, un masque chargé par une société secrète camerounaise.

Parmi les œuvres exposées on découvre également le travail très touchant de Sarah Pucci, femme mystique, qui fabriquait des objets votifs et les envoyaient chaque année à sa fille, l’artiste Dorothy Iannone. Entre décoration de Noël, joaillerie, pâtisserie, et objets liturgiques catholiques, ces volumes composés de sequins, de perles, aux formes colorées et brillantes, témoignages d’amour et de ferveur, ouvrent la voie d’un art personnel, intime, un art proche de l’art brut et populaire, un art qui parle plus que jamais à notre présent.