Saturnium, une quête identitaire en évolution biotechnologique

Bi-annuel le Prix Swiss Life à 4 mains récompense des duos composés de plasticiens et musiciens. En 2015 il a permis à un photographe Julien Taylor et à un compositeur Arthur Lavandier de créer leur opéra de chambre « Bobba » inspiré de l’exposition Chagall et dont une représentation a eu lieu à la Cité de la musique à Paris puis à la Piscine à Roubaix. La création de cette année « Saturnium » se présente sous la forme d’un livre-disque aux éditions Actes Sud dans la collection « Images de musique ». Elle s’accompagne d’une présentation dans l’exposition « Le rêve des formes » au Palais de Tokyo cet été. Un colloque sera tenu les 5, 6 et 7 septembre 2017 au Collège de France, Paris organisé par Alain Prochiantz, titulaire de la chaire Processus morphogénétiques et Alain Fleischer, directeur du Fresnoy – Studio national des arts contemporains, Tourcoing. Nos deux artistes réunis sous le nom SMITH & Hoang y interviendront.

En première sélection neuf duos ont été retenus, parmi eux se trouvaient des plasticiens aussi connus et talentueux que Thibault Brunet, Eric Aupol ou Pascal Audressy et la découverte d’une artiste d’une grande exigence formelle Anne-Camille Allueva. Du côté de la musique le jury retenait aussi bien des compositeurs que des instrumentistes ou des ingénieurs du son. Venu du jazz Antonin Tri Hoang se présente comme clarinettiste et compositeur, jouant avec le quartette Novembre. Il intervient aussi avec des soli de saxophone où il reprend ses types préférés de compositions qui favorisent répétitions formelles et surgissement inopinés de mélodies chargées d’émotions qui réveillent fragments d’enfance et autres histoires oubliées.

Si nos deux artistes se retrouvent dans Le rêve des formes au Palais de Tokyo c’est que cette exposition montée par Alain Fleischer et Claire Moulène célèbre les 20 ans du Fresnoy où ils ont été tous deux étudiants. C’est également parce qu’ils respectent le programme énoncé en sous titre « Art, Science, etc. » Les artistes et chercheurs rassemblés là témoignent de leur rencontre avec de nouvelles représentation, issues de découvertes scientifiques et techniques récentes, qui bouleversent nos façons de voir et de montrer.

Le duo s’est attaché à créer une fiction pseudo scientifique comme en a réussi Joan Fontcuberta. Ils imaginent la rencontre d’un savant nommé Bogdan Joe Liu-Khury (sic) qui leur fait part d’un secret de l’institut Curie. Marie Curie y aurait caché au fonds d’un puits un nouvel élément atomique le saturnium. Le livre reproduit des pages inédites du journal de la chercheuse. Des éléments sonores du 6e morceau du cd nous invitent à suivre les auteurs dans la découverte de ce Puits N918. L’origine de ce nouvel élément est attribué au passage d’un météore ayant transité par les anneaux de Saturne avant d’arriver sur terre. Pour en accréditer l’existence ils ont recours à des fac-similés d’articles à mise en page issue de la presse d’information scientifique.

Pour justifier du sérieux ils font aussi appel à un astrophysicien Jean-Philippe Uzan qui dialogue avec eux sur ce nouvel avatar de la radiocativité à partir de sa spécialité de cosmologiste, s’interrogeant sur « la courbure du temps et la conservation de l’énergie » c’est ainsi qu’est évoquée comme source par le trio une chercheuse anglaise Stefany Hawqueen qui doit être certainement apparentée au célèbre Stephen Hawking !

En effet c’est que la question du genre se trouve toujours active dans toutes les créations de SMITH que l’on pourrait rapprocher elle même de certains autres de ses avatars Dorothée ou Bogdan. Depuis Löyli , C19H28O2 (agnès), ou Spectrographies où l’identité sexuelle se trouve mise en question dans des rêves biotechniques ou artistiques. Les modèles qu’elle affectionne sont sensé(e)s avoir posé soit directement dans le puits soit en studio à l’aide de pellicules affectées par les rayonnements du Saturnium. La question se pose donc sur l’évolution biologique et temporelle de ces nouveaux saturniens.

De même que la dernière série de SMITH Traum existe sous différentes formes plastiques et performatives dont une pièce chorégraphique créée avec Mathieu Barbin l’ensemble est ici revendiqué comme un conte mixte.
Dans le livre comme sur les tirages exposés en extérieur devant les grilles de Swiss Life à Roubaix de extraits sonores composés par Antonin Tri Hoang sont audibles via un QR code à flasher avec son smartphone. Cette création musicale modifiée par les radiations répond à ces images performatives qui tracent des portraits en évolution.