Sortir de l’oubli, l’urgente célébration de la mémoire des camps du Loiret

Ce n’est qu’à partir des années 1960 que se constitue la figure du témoin à l’occasion des grands procès dont celui de Eichman. Dès les années 970 l’apparition du négationnisme va inciter les témoins à prendre la parole. Beaucoup de ces témoins ont aujourd’hui disparu. Les alternatives institutionnelles et muséales sont nécessaires pour remédier à leur absence. L’exposition « Sortir de l’oubli » du CERCIL Musée des enfants du Veld ‘Hiv à Orléans fait partie de ces initiatives salutaires.

Elle se situe dans la logique de trois anniversaires : les 30 ans de création du Centre d’Etudes et de Recherches sur les Camps d’Internement du Loiret, les 10 ans de son ouverture en tant que Musée Mémorial des Enfants du Vel d’Hiv et les 80 ans de la rafle dite du « billet vert » où 3700 juifs parisiens ont été arrêtés par la police française pour être conduits vers les camps d’internement de Pithiviers et Beau-la Rolande. Cette étape aura our la plupart comme destination terminale Auschwitz.

Les hasards de l’histoire ont voulu que soient révélées quelques jours avant son ouverture de nombreuses photographies de la rafle, réalisés par des soldats allemands, alors que nous ne connaissions jusqu’ici que le cliché des autobus alignés attendant les futurs internés. Les deux fondatrices du CERCIL Hélène Mouchard-Zay et Eliane Klein agissent depuis trois décennies pour que soit reconnu le rôle de ces deux camps ainsi que de celui de Jargeau qui a accueilli plus de gens du voyage.

Elles ont trouvé dés la création du lieu les soutiens de deux « piliers de la mémoire de la Shoah » : Serge Klarsfeld et Henry Bulawko. Un documentaire présente leurs témoignages accompagnés de celui des divers acteurs locaux et régionaux qui ont contribué à l’élaboration de cette archive vivante . Elle comprend la reproduction de lettres, des photographies des objets et quelques dessins. Nathalie Grenon sa directrice jusqu’en 2019 en a dynamisé les initiatives de médiation par des recherches, des animations auprès de différents publics, films , concerts, lectures et des workshops , notamment avec les partenaires allemands du land de Saxe-Anhalt. Annaïg Lefeuvre poursuit cette action multiple auprès d’Hélène Mouchard Zay sa présidente.

L’exposition actuelle installée dans la cour, la bibliothèque et la salle des expositions temporaires illustre les soutiens apportés par différentes personnalités engagées auprès des familles et des enfants, des panneaux sont ainsi consacrées à deux assistantes sociales qui ont contribué à diffuser la mémoire des conditions d’internement Marie Louise Blondeau et Annette Monod-Leiris .

En réponse au slogan pétainiste « Travail famille patrie » il est intéressant de noter que les archives du Musée mémorial des enfants du Vel d’hiv sont avant tout familiales chaque exposition depuis sa fondation a suscité les envies de descendants de faire partager ce qu’ont vécu leurs ancêtres , par des lettres, des photographies ou des objets réalisés sur place, ils témoignent surtout du sacrifice vécu par ces victimes du nazisme soutenu par la collaboration.

Dans les liens au cinéma on trouve aussi bien la photo dite « du gendarme » censurée jusqu’en 1995 bien qu’ayant figuré en ouverture de Nuit et Brouillard d’Alain Resnais dès 1953. Ces camps du Loiret sont une histoire française de la collaboration avec les nazis : rappelons que l’armée allemande n’a pénétré qu’une seule fois dan sle camp de Pithiviers, en 1942 quand les responsables français on voulu séparer les mères juives de leurs enfants ! Un autre panneau est consacré aux dessins préparatoire du scénario de films plus récents comme La Rafle ou Elle s’appelait Sarah (2009) .

Une telle exposition est d’autant plus salutaire aujourd’hui que l’idéologie d’extrême droite est diffusée sur toutes les chaînes d’information en continu , par des pseudo journalistes et chroniqueurs, répliquée sur les réseaux sociaux y compris par de jeunes influenceuses sur TikTok ou youtube. Les théories complotistes et négationnistes exportées des Etats Unis nous envahissent. Le parti d’extrême droite « dédiabolisé » est aux portes du pouvoir.

L’image de tous ces enfants juifs internés dans le Loiret s’est cristallisée dans la figure inoubliable de la petite Aline Korenbajzer, dont on découvre ici une nouvelle image sur les genoux de sa maman. Sous son regard tendre elle nous appelleplus que jamais à à la vigilance.