Sous les drapeaux de l’art

Des drapeaux, nous en voyons actuellement partout : après les drapeaux gris de l’artiste Wilfredo Prieto, hissés lors de la dernière FIAC, nous en avons vu chez Johan Tamer-Morael à Slick, et c’est l’artiste américain Peter Coffin qui nous montre les drapeaux d’états inventés au Palais de Tokyo. Les « drapeaux gris » au capc à Bordeaux sont eux aussi des drapeaux imaginaires. Il s’agit d’une oeuvre de Seth Price matérialisée dans un titre d’exposition et un communiqué de presse. Il n’y a aucun lien précis entre ce titre et le contenu de l’exposition. C’est un label, sous lequel flottent des oeuvres d’art, légèrement réunies par deux commissaires d’exposition invités. Pour sa première exposition la nouvelle directrice du CAPC Charlotte Laubard voulait montrer « qu’elle est « d’une génération moins égomane, souhaitant ouvrir le musée aux autres commissaires, aux nouvelles idées. ». Regroupant des artistes et des oeuvres bien connus, l’exposition reste de toute façon un peu – grise.

Ce dernier temps, la « nouvelle domessticité » est un sujet très présent dans les projets d’artistes et les titres d’exposition. Du « Kunstraum/Wohnraum » (« espace d’art / espace d’ habitation ») de l’artiste islandais Hlynur Hallsson à l’exposition « home stories » à la Stadtgalerie Kiel (27.1.-18.3.), en passant par l’exposition de Mario Salas, « appartement », à la galerie Erika und Otto Friedrich, Bâle (2006), le « Roentgenraum » à Zurich (1999-2003) ou bien la « suite » à la maison rouge. À Bordeaux, les commissaires d’exposition Anthony Huberman et Paul Pfeiffer ont transformé l’ancien entrepôt hébergeant le capc en salons d’appartement. Invités par Charlotte Laubard ils ont aménagé l’espace principal d’exposition, espace très difficile à gérer, avec des tables basses, des canapés, un mur de tableaux, du papier peint et un coin vidéo.

Les tables basses représentent , non sans ironie des empreintes obtenu par la pisse dans la neige. Il s’agit des « piss flowers » de Helen Chatwick (1993). Les canapés de John Armleder (no. 234, 190) sont rapetissé jusqu’à devenir inutilisables. Et le papier peint de Kelley Walker (Braniff Dalí, 2006) reprend la structure de la surface des murs de l’entrepôt. De la même façon toutes les oeuvres de l’exposition permettent une lecture au« deuxième degré » en dispersant le sens dans l’ironie. Ainsi, le mur d’images d’Allen Ruppersberg, « Chérie, j’ai réarrangé la collection… » (1971-1999) joue à la fois avec la référence aux lieux d’habitation et la façon dont on traite les oeuvres d’art chez les collectionneurs. Mais l’ironie reste le seul lien entre les oeuvres qui semblent d’être distribuées d’une façon très légère dans l’espace d’exposition. Même si elle présente des oeuvres très fortes, tel que les flaneurs de Walid Raad/The Atlas Group (J’espère seulement que je pourrais pleurer (Opérateur #17), 2002) ou « Le rayon vert » de Tacita Dean (2001) sur le phénomène de lumière verte lors du coucher de soleil, il manque un fil conducteur. Si on admet qu’une exposition d’art contemporain doit proposer plus qu’une expérience forte ou choquante, on attend d’elle une hypothèse ou au mois une question posée. À Bordeaux, nous plongeons dans l’expérience d’une mise en scène évocatrice mais grise sur le plan discursif. Apparemment « la résistance des oeuvres au commentaire » comme le disait Charlotte Laubard, ne deviendra pas le fil rouge de sa future programmation : avec l’exposition monographique de l’artiste iranienne Chohreh Feyzdjou, « Tout art est en exil », elle montrera une position cherchant discussion et réflexion. Cette première exposition nous donne plutôt une idée du passé de la directrice que de l’avenir du capc : « Je connaissais le travail de Huberman très bien de l’époque ou j’étais au PS1 à New York », disait Laubard, « je lui ai confie cette première, avec l’artiste Paul Pfeiffer, pour créer un événement phare, une exposition programmatique ». Deployant un vaste programme en termes de différentes démarches aritistiques, l’expostition n’est pas si originale que cela. Manquant (exprès) d’un concept cohérent, elle à été montré déjà au Sculpture Center à New York avant qu’elle soit adaptée pour le capc. Comme si le jeune homme au mégaphone représenté sur l’ affiche au dessus de l’entrée du musée (« Allez dis-le » de Mario Ybarra Jr., 2005) le criait aux bordelais, l’exposition fait comprendre que l’art contemporain à Bordeaux est prèt à reprendre un niveau international. L’activité de Thomas Bernard et de sa galerie Cortex Athletico, de la galerie Ilka Brée ainsi que – enfin – la nomination d’une nouvelle directrice pour le FRAC Aquitaine (Claire Jacquet) en font preuve. A ne pas oublier non plus des lieux comme « Zébra 3 – Buy-sellf », « Arrêt sur l’Image » et « À Suivre… Lieu d’art ». Reste à voir si Alain Juppé, malgré son accueil assez froid de Charlotte Laubard, arrivera à faire souffler sur tout Bordeaux le « nouveau vent » qu’il avait remarqué souffer dans le capc lors du vernissage de presse.