Subterranea, exposition de Nicolas Sassoon : du numérique vers des profondeurs de la terre

Nicolas Sassoon a d’abord exploré l’animation graphique avec la technique du moiré pour créer des séries d’animations abstraites tels des papiers peints animés. Dans ses séries d’animations « Patterns », il identifie et encode visuellement des éléments et des phénomènes naturels via des trames pixélisées et des techniques d’animations issues des débuts du graphisme informatique. Parallèlement, il développe une curiosité pour les formes ornementales qui attraient à la géologie et collectionne les roches.

À la galerie Charlot, pour sa première exposition personnelle en France, ses œuvres de la série The Prophets associant des roches et des vidéos d’animations abstraites nous incitent à sonder les relations à la géologie à l’ère dédiée au numérique. Elles font écho à des entités qui connectent le monde visible avec celui invisible d’une autre dimension, d’une autre activité imperceptible. À partir de différentes roches volcaniques l’artiste provenant de la Sierra Nevada aux Etats-Unis, il tente de faire remonter à la surface des couches souterraines.

L’artiste nous propose un regard imaginaire et poétique sur les roches, tourné vers des croyances envers les forces naturelles et un certain animisme. Les écrans diffuseraient une histoire contenue dans les pierres. Les roches exprimeraient une activité, une énergie contenue. L’artiste prend pour modèle les croissances et les architectures des arbres miniatures pour composer ses œuvres. Inspirées des pratiques du Bonzaï, du Suiseki ou encore du Gongshi, ses œuvres font référence aux consciences que certaines cultures donnent aux pierres. Elles évoquent également des greffes techniques faites aux plantes. Les étagères qu’il a lui-même conçu renforcent le caractère domestique de ses éléments.

De quelles manières les plantes peuvent-elles s’adapter à nos environnements de plus en plus urbanisés ?

Ses œuvres convoquent nos manières d’utiliser les végétaux, de créer des hybrides. Les pierres contiennent la mémoire des sols. La technologie et le geste d’extraction se rencontrent et se nourrissent l’un et l’autre.
Au cœur de ses œuvres anthropomorphiques, telles des sculptures/corps, deux temporalités se confrontent, l’histoire longue de l’activité de la terre et celle plus courte de la technologie. Le processus de création / destruction dans l’activité volcanique et dans celle des techniques se révèle également.
Plutôt que de cacher les câbles, ici ils sont utilisés pour leurs qualités formelles, telles des branches ou des extensions. Les animations se contemplent comme des fonds d’écran
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La vidéo Cores réalisée en collaboration avec Rick Silva renvoie à un cœur énergétique. Des scans de roches en 3D présentent des qualités formelles à l’intérieur et nous donnent à voir leurs couleurs.
À l’étage inférieur, l’univers de lieux habités tels des squats, se dévoile. Une animation présente diverses textures qui animent des espaces, une vie qui est encore en mémoire. Le graphisme rappelle celui d’anciens jeux vidéo, par l’utilisation du monochrome, de dessins pixelisés et d’une perspective isométrique. Nicolas Sassoon s’inspire des yokais japonais et des créatures de fables pour introduire des figures imaginaires dans ses animations, tels des résidus éthérés des activités humaines de ces lieux. En écho, des gravures laser montrent des éléments cachés et figures qui peuplent les animations. À nous de les retrouver dans chacune d’elles.

Ses deux ensembles d’œuvres, l’un centré sur la géologie et l’autre sur les cultures underground se relient par la notion de sous-terrain.
Ainsi, au travers de ses œuvres se révèlent l’obsolescence des outils technologiques en opposition à la longue temporalité des pierres et la nécessité de comprendre l’origine des matériaux.