L’ouvrage de Marc Tamisier, philosophe, propose de réfléchir sur la contemporanéité à partir de la photographie contemporaine
L’ouvrage de Marc Tamisier, philosophe, propose de réfléchir sur la contemporanéité à partir de la photographie contemporaine qu’il ne considère pas comme « un champ de création distinct » mais plutôt comme un objet qui signerait la « fin des frontières » à l’intérieur desquelles les différents modes d’expression ont souvent été confinés mais aussi l’effacement des frontières « de l’image et du réel, de la photographie et de l’objet et finalement de l’altérité ».
S’il n’est pas tout à fait nouveau de penser la photographie non plus en tant qu’enregistrement de la réalité, mais comme procédé qui laisse ses marques dans la création et scelle le photographique, s’il n’est pas non plus surprenant de réfléchir la photographie dans la porosité artistique qu’elle entretient avec les autres médiums, il est en revanche intéressant de prendre en compte la notion de contemporain au vu de la photographie dans ce qu’elle bouscule de la posture des photographes : posture en tant qu’humain, posture en tant qu’acteur ou spectateur du monde mais aussi poète ou artiste ? posture enfin critique et théorique questionnant les notions d’identité, de rapport à l’autre et donc à soi confronté au monde présent dans une quasi impossibilité d’historicisation . Et c’est ici peut-être que l’ouvrage de Marc Tamisier s’avère être aujourd’hui, justement, le plus contemporain.
Penser la photographie en terme de contemporanéité qui convoque pour la photographie des notions opérantes comme celle de dispersion, de globalité, de frontalité est en effet l’enjeu primordial de cet ouvrage théorique.
S’il ne s’agit pas pour l’auteur de brosser une histoire de la photographie dite contemporaine, il convient toutefois de réfléchir sur le choix du corpus photographique sur lequel le philosophe appuie sa réflexion.
En effet, dans une première partie, le corps y est principalement interrogé dans les œuvres novatrices des années 70-80 : d’Orlan à Aziz et Cücher mais aussi de Nicole Tran Ba Vang à Keith Cottingham .
Mais des mises en perspectives historiques sont aussi insérées précisément dans l’articulation intellectuelle de la pensée qui court, fouille, dissèque et essaie à chaque fois d’extraire des notions opérantes pour la thèse principale avancée par l’auteur.
Ainsi, avons-nous dans le deuxième moment du livre, l’occasion de penser l’œuvre de Tosani au vu de la nouvelle objectivité allemande qui se redéploie dans les années 70 avec l’école des Becher, ce qui permet à Marc Tamisier de poursuivre la densité d’une réflexion autour de la fin de l’image mais aussi de l’objet photographique et même de son exposition. C’est alors que le passage de l’objet-image photographique à ses occurrences tant philosophiques que politiques ouvre à des problématiques riches et inédites mais parfois plus délicates à appréhender lors d’une première lecture .
Ainsi, dans le troisième moment de son ouvrage, l’auteur nous propose de nouvelles donnes théoriques autour de « l’anté-contemporain », de « l’insignifiance » qui serait la nouvelle « norme esthétique de la photographie contemporaine » ou de « la frontalité qui remplacerait le réalisme photographique » (p.144). En s’appuyant cette fois-ci sur des trajectoires convoquant aussi bien les démarches photographiques de Ristelhueber que de Delahaye mais aussi de Dijkstra, de Serrano ou de Fischli et Weiss…, le philosophe invite le lecteur à revisiter des productions photographiques sur un autre terrain que celui habituel de l’histoire de la photographie.
Et c’est en cela précisément, que son ouvrage est plus à découvrir au travers de la question philosophique et politique de la contemporanéité qu’au détour d’un cheminement banalement historique « sur la photographie contemporaine ».
20 Novembre 2007