À la collégiale Saint-Pierre-le-Puellier d’Orléans, Malik Nejmi refonde les circulations pour mieux accueillir tous les aspects plastiques, fictionnels et documentaires, de l’étude menée depuis trois ans sur le quartier de La Source où il est né deux ans après l’arrivée de sa famille exilée du Maroc. Dans un parcours en labyrinthe, il organise trois installations, des créations sonores, des photographies et vidéos des habitants, des reliques de la Tour 17 détruite en 2023, toutes sortes de documents et archives et la refonte sous forme de maquette d’un projet de Musée-Monde jamais réalisé.
Malik Nejmi est un photographe franco-marocain né à Orléans, quartier de la Source, en 1973. Après un premier reportage photographique engagé au Bénin en 1999, il développe de petits récits photographiques documentaires sur des bases anthropologiques (en Afrique principalement) dans des thématiques liées à l’enfance et au rituel. Son travail sur les cultures des diasporas est déjà attaché à l’appartenance au groupe dans ses relations à des communautés, des familles. L’essentiel de son œuvre s’attache à renouer avec le Maroc, pays que son père a quitté pour rejoindre la France en 1971. Fin des années 1990, il décide de mener trois voyages de retour dans son pays natal, dont le second où il convainc son père de l’accompagner. Il en témoigne « Je traite des questions migratoires, et, au travers de l’histoire de mon père et de son exil, je questionne la vision du fils à vouloir renouer avec un pays synonyme d’une absence de transmission. » L’ensemble fera l’objet de la publication des trois volumes réunis sous le titre « El Maghreb » (2001-2005).
En 2013, alors en résidence à la Villa Médicis, Malik Nejmi fait don au musée d’un ensemble d’objets confiés par sa grand-mère Aïcha avant de mourir. Il mène alors une réflexion plastique autour de la question des objets, de la mémoire et des transmissions générationnelles. Il fabrique ainsi l’installation 4 1 6 0 (numéro de la tombe de sa grand-mère dans un cimetière de Rabat). Il reconstitue aussi, lors de ce séjour romain « La Chambre marocaine ensemble de diptyques pris en atelier de ses enfants avec divers objets accompagnés de vitrines exposant archives et documents artistiques. Il déclare à ce sujet « c’est un espace de transition, de négociation, de trans-narration ».
En 2021 l’artiste est alerté par une association que la tour T17 de La Source va être démolie. En collaboration avec la Drac, la Mairie d’Orléans et la Maison de l’architecture, il entame alors un long travail de recherche.
L’exposition s’ouvre sur des vues prises à la chambre photographique de l’intérieur des appartements vides avant la destruction de la tour. Sur des socles, des pièces de béton avec une surface émaillée, reliques ayant appartenu à la tour sont accompagnées de petites figurines en résine produites avec une imprimante 3D qui matérialisent les habitants.
Une visite sur le toit-terrasse de la T17 en compagnie d’un sociologue, les bailleurs sociaux et des habitants lui suggère l’idée « d’une architecture de réparation ». Cela sera l’occasion des entretiens vidéo avec des habitants de différentes générations réunis dans la série Les Points Hauts. Ils sont complémentaires de trois grands portraits en noir et blanc à la chambre eux aussi de femmes algériennes et marocaines Aude Vallet-Sanchez, Fatira Seffar et Nadia M’Fikra qui côtoient le témoignage de leur histoire dans un long texte lui aussi format affiche. L’ensemble est titré Preuves du soin.
Une première grande installation la carcasse d’une Renault 12 évoque un voyage de vacances vers le pays, le porte-bagage du toit recueille un ensemble de coussins traditionnels, les mobra. Elle est complétée par une armoire à deux portes ouverte avec d’un côté des couvertures berbères et de l’autre des chaussures de femme. Des tiroirs sortis émergent des objets quotidiens et des coupures de presse des manifestations contre le protectorat français.
Malik Nejmi rencontre une personnalité essentielle de la vie sociale du quartier Rouguiyatou Dia, franco-sénégalaise active dans les réseaux de solidarité entre femmes, une intense relation s’établit entre eux autour de leur but commun « soigner leur quartier ». Dans une seconde installation au centre de la Collégiale il reconstitue son appartement avec ses photos, son mobilier, certains vêtements et ce slogan « Soigner c’est prendre la blessure de l’autre ». Dans le même espace central est évoqué un projet muséal jamais abouti : « En regardant des plans d’architecture du quartier fait par Louis Arretche (dessinateur architecte du quartier Orléans-La-Source), on tombe sur l’implantation d’un musée, le “Mundaneum”, reprenant un projet du Corbusier, sous forme pyramidale, qui n’a jamais été réalisé ».
À partir de la demande des habitants d’un lieu de rencontre et de convivialité Malik Nejmi propose à deux jeunes architectes d’imaginer la maquette de ce musée-monde actualisé « pour une culture qui se pratique debout ». Allan Mensah et Eugénie Pallau s’y consacrent en ajoutant slogans, mots et drapeaux et en intégrant un appartement témoin sur le modèle de celui où a vécu l’artiste et sa famille.
Cette exposition est présentée jusqu’au 23 février, Louise Bras sa commissaire chercheuse en anthropologie fera des conférences performées les 18 janvier et 2 février. Il est important que les visiteurs qui la découvrent aient envie d’y revenir pour profiter de tous les documents, de tous les témoignages écrits ou vidéotés, de toutes les dimensions d’une culture ouverte à toutes sortes de communautés dont cette fiction documentaire d’une grande exigence constitue la légende vivante, un démenti en actes à tous les fantasmes et renoncements d’extrême droite.
Informations pratiques ici sur le site d'Orléans