Terres d’artistes

Exposition Terres d’artistes
Espace Art Absolument
17/01/2025 - 15/03/2025
Le site d'Art Absolument

À l’espace Art Absolument, Domitille d’Orgeval met en lumière les manières dont les artistes de différentes générations s’intéressent à la terre, matière qui renvoie aux origines et à des territoires explorés. Leurs approches relèvent autant de l’expérience de la marche que d’une nécessité à créer avec leurs trouvailles et apprécier chaque terre pour sa beauté tout en prenant conscience de sa fragilité.

La série des Matériologies de Dubuffet rend compte de l’épaisseur des sols, d’une densité de textures propres à des milieux naturels et aux cycles de transformation des matières. L’agglomérat des matériaux issus de la terre se révèle aussi dans les peintures de Monette Guermont. On peut y voir des paysages vus d’en haut. L’utilisation de la ficelle l’amène à introduire la présence de réseaux à l’image des racines sous terre : une manière chez elle de se reconnecter aux territoires où elle a vécu. 

Richard Long, artiste marcheur, réalise ses œuvres à partir d’éléments prélevés lors de ses longues traversées. Ses œuvres de grand format expriment la force et l’énergie de certains états de matières transformées par l’eau. L’une a été réalisée à partir de boue humide prélevée dans la rivière du Mississippi. L’autre consiste en un grand diptyque créé à partir d’argile de Chine mélangée à l’eau. Ses compositions révèlent une énergie, un corps à corps avec le support et la matière. 

Les œuvres de la série Earthwork de Benoît Lefeuvre associent la mémoire de l’image photographique et la vie du sol. Les éléments naturels agissent sur des pellicules récupérées, les transforment, les abîment : un processus qui donne naissance à des images présentant des atmosphères qui renvoient aux quatre éléments. La part d’aléas dans ce travail artistique est primordiale. Avec sa série Rooted, le jeune artiste grave des paysages forestiers ou des détails de végétaux issus de photographies d’anonymes qu’il a glanées, sur des supports constitués de mycélium. L’image vient s’incorporer au réseau mycélien et de nouvelles connexions se créent, à l’image de ce qui se passe dans notre mémoire.

Caroline Le Méhauté interroge notre relation à l’environnement au travers de l’utilisation de la tourbe comme matériau. Elle sollicite les sens du spectateur pour l’amener à appréhender la vie des sols. Avec Negociation 66, Extented Field, elle invite à écouter le son de la terre, des sonorités venues des profondeurs et qui nous transportent vers un monde cosmique. Ses cyanotypes révèlent l’exploitation des terres et l’épuisement des sols. L’artiste souhaite aussi engager le spectateur dans un changement d’attitude et l’inciter à des dynamiques de restauration des sols. Negociation 133 – Objet-action (Tellus project, 203), constituée de 15 bombes de graines phytoremédiatices témoigne de son projet au long cours, impliquant une action collective.

hermann de vries lui a entrepris une collecte de différentes terres qu’il pose sur papier afin de donner à voir la variété de leurs nuances. Il considère ses frottages de terre comme une part de documentation de ses récoltes. Son approche artistique relève d’une observation de la nature. Il affirme d’ailleurs : « Je ne fais que des citations de la nature ». 

En utilisant la terre comme matériau ou comme sujet d’investigation, les artistes montrent sa diversité, ses textures et les temporalités qu’elle incarne. Ils rendent compte de leur relation avec des paysages et témoignent de la géologie de ceux-ci ainsi que de leurs transformations dans un contexte de bouleversement climatique. Ils cultivent également une relation symbiotique avec la nature et valorisent les cycles naturels des écosystèmes.

Ainsi, ces artistes nous engagent à préserver des expériences d’émerveillement durant lesquelles pressentir l’espoir d’un renouveau, d’un soin, d’une attention à la vie qui renaît. L’expérience temporelle leur est nécessaire pour appréhender et comprendre les matériaux naturels qu’ils emploient. Leurs œuvres nous incitent à aiguiser notre perception et à nous remémorer des souvenirs de relations physiques avec des matières issues de milieux naturels.