Un ensemble de 52 réalisations multimédia de deux minutes chacune produites à partir d’autant de projets photographiques individuels dressent un panorama kaléidoscopique de l’identité française à l’occasion du brassage politique dans le contexte de l’échéance électorale.
Dans l’évolution récente de la photographie concernée par un réel politique qui ne trouve plus ses voies dans les formes traditionnelles du reportage l’action de collectifs de production et de diffusion comme le Bar floréal ou Tendance Flou, souvent mis en valeur par notre partenaire Photos Nouvelles, semble ici faire école. L’intérêt de cette initiative des « territoires de fictions » , dont l’énoncé au pluriel apparaît essentiel, réside autant dans la diversité des approches de phénomènes sociétaux plus volontiers évoqués lors de faits divers que dans leur composante ethnique d’une société multiculturelle. Les territoires sont définis selon ces langages administratifs qui marquent l’assujettissement à l’état -ZAC,ZUP,ZI -, là sont abordées du point de vue des usagers des situations de politiques générales comme la pollution, d’un prétendu « Magic world ». Du point de vue des citoyens des réalités communautaires plus spécifiques rencontrent en image les « Ados des 3000 » ou les « Sikhs de Bobigny ». des portraits de petits groupes ou d’ individus évoquent la fascination déçue de la Capitale pour les jeunes provinciaux ou l’évolution politique d’un jeune travailleur « Ruben », passé d’un vote P.S. à une adhésion à l’idéologie du F.N.
Le coordinateur de l’opération Wilfrid Esteve piège avec une réelle efficacité un ensemble de candidats à la présidentielle en leur confiant un déclencheur souple pour un autoportrait ; eux qui formatent et policent leur image avec leurs conseillers en communication face aux reporters se laissent aller dans un face à face solitaire avec un appareil.
Il est intéressant de relire aujourd’hui ce que Bernard Lamarche Vadel écrivait dans « Lignes de mire » à propos d’une certaine pratique humaniste à la Doisneau « Ce sont des constats truqués le plus souvent des documents , et leur signification revient aux bibliothèques historiques des mentalités ». ce type d’ archivage là reste la norme quand l’auteur ne se préoccupe pas des moyens de diffusion. A l’opposé le même critique rappelait que « la photographie est une technologie politique du regard. »
L’autre intérêt de cette opération réside donc dans la réflexion sur la diffusion de ces oeuvres multimédia, elles accompagnent des rencontres de quartier à caractère politique, des réflexions à caractère culturel en institution comme la Maison Européenne de la Photographie, mais surtout grâce à un partenariat ces P.O.M. sont diffusés quotidiennement sur lemonde.fr, depuis mi-janvier et jusqu’aux élections, et ce dans le flux des dépêches et tombées de news factuelles de la campagne.
Face à une information télévisuelle de plus en plus contrôlée, scénarisée et produite de façon de moins en moins spécialisée par des J.R.I (journalistes réalisateurs d’images) multicasquettes ces fictions revendiquées dans des collaborations entre photographes, réalisateurs et créateurs sonores apparaissent aujourd’hui comme une alternative à un photojournalisme de moins en moins en prise avec la complexité du réel politique.