Tous, des sang-mêlés, le Mac Val met en scène la différence

« Tous, des sang-mêlés » se construit à partir des deux sensibilités masculine et féminine de Frank Lamy et Julie Crenn. De concert ils interrogent l’identité culturelle au travers de visions et d’expériences d’artistes. Encore une fois le Mac Val fait preuve de sa capacité à scénographier des situations sociétales complexes sans les réduire à des attendus idéologiques ou esthétiques.

Le titre est emprunté à l’essai de l’historien français Lucien Febvre Nous sommes des sang-mêlés : Manuel d’histoire de la civilisation française. Il y montre que notre pays comme tant d’autres provient d’un lent et progressif métissage ethnique et culturel. Dans la continuation de la pensée de Stuart Hall, fondateur des cultural studies, les commissaires interrogent la notion d’identité culturelle comme une fiction Elle réunit une centaine d’œuvres d’une soixantaine d’artistes internationaux, pluridisciplinaire elle mêle la vidéo, la photographie, les installations, la sculpture et toutes sortes de formes fictionnelles pour approcher les identités culturelles, nationales, sexuelles.

En préambule la Round Table de Chen Zhen et ses différentes chaises nous accueille comme pour un colloque international autour de la Déclaration des droits de l’homme. Dans le hall une vidéo de Kimsooja fusionnant en fondu enchainé 246 drapeaux dialogue avec les étendards en flamme de Will Kwan autant qu’avec son autre pièce Bottari Truck Migrateurs.

Une œuvre de Claire Fontaine décline d’abord en lettres de néons les mots
« étrangers partout » dans différentes langues sauf en français pour que l’on se ressente exclu dans notre propre position d’étranger. Si beaucoup d’artistes que l’on pouvait attendre sont présents, alors que l’idée de réparations est mentionnée dans le texte d’ouverture on peut regretter l’absence de Kader Attia d’autant qu’une œuvre du franco-libanais Ali Cherri reprend les modes opératoires de l’artiste sans en avoir l’impact.

Par contre on est heureux de retrouver l’excellente performance de Steven Cohen Chandelier. Quant à la question de la déculturation il est important de redonner à voir le triptyque vidéo de Zineb Sedira Mother Tongue d’autant qu’il côtoie un diptyque de la jeune française Violaine Lochu qui s’amuse à déformer son patronyme. Une autre confrontation intergénérationnelle est proposée par Sue Williamson What Is This Thin Called Freedom d’origine anglaise vivant à Cape Town elle filme un échange entre l’artiste Buhlebeswe Siwani avec sa mère et sa grand-mère sur les réalités de l’après apartheid. Sylvie Blocher, reprenant l’histoire de Fort Alamo, confronte quatre témoignages fort différents, elle interviewe un guide blanc de musée, une latino américaine, une afro-américaine et enfin un indien.

Au centre de l’espace s’opposent deux types de corps. Le nigérian d’origine Ynka Shonibare MBE (member of british empire) installe sur une balançoire deux personnages en costume victorien taillé dans du wax tissu inspiré de motifs indonésiens fort coloré , leur tête faite de globes terrestres. Karim Ghelloussi, avec ses Passagers du silence, réunit un groupe sculpté aux couleurs sombres et sans visage. Ils peuvent évoquer les travailleurs immigrés en France des années 60. D’autres représentations corporelles singulières sont abordées lorsque ce même créateur compose ses tableaux en marqueterie. L’identité se trouve surdéterminée en lien au look dans l’ensemble d’autoportraits de la libanaise Ninar Esber. La photographie sous forme de puzzle incomplet convoque l’oubli dans les albums de famille de Morgane Denzler, tandis qu’Erwan Venn caviarde de toute présence humaine les clichés agrandis de son grand père pendant son voyage de noce en Algérie. Malik Nejmi dresse le portrait de jeunes laotiennes vivant dans l’orléanais. Le congolais Sammy Baloji organise des mises en scène qui rappellent le colonialisme. Les aquarelles de Giulia Andreani travaillent sur ses origines italiennes avec l’interprétation peinte d’une Famille Calabraise.

Autant d’identités géographiques et de genre qui sont convoquées dans cet ensemble plein de vie, qui se compose de voyages y compris sous la forme de migration ou d’exil. Au delà des apparences, dans la diversité des origines, chacun en s’appuyant sur ses racines, son histoire trouve à faire œuvre pour mieux s’incarner au présent.