TOUT DOIT DISPARAITRE, une exposition aussi drôle que pertinente

La photographie vernaculaire a connu diverses aventures éditoriales depuis plusieurs décennies. Pierre de Fenoyl nous y a sensibilisé le premier en 1982 en publiant Chefs-d’oeuvre des photographes anonymes du XIXe siècle. Plus récemment ces images sans auteur ont trouvé l’accueil de lieux d’exposition. On a vu dans différents festivals la mise en espace de  » l’Anonymous Project  » de Lee Schulmann. Le 104 à Paris accueille actuellement « TOUT DOIT DISPARAITRE, Regard sur la société de consommation » à partir d’un choix fait par Audrey Hoareau dans l’imposante collection de Jean Marie Donat.

Cette collection singulière commencée il y plus de 40 ans compte 40 000 photographies, ektachromes (diapositives) et négatifs, réunies en plus de 200 séries thématiques. Audrey Hoareau qui vient d’être nommée à la direction du Centre Régional de la Photographie de Douchy les Mines a collaboré avec Jean-Marie Donat à plusieurs reprises, premièrement alors qu’elle travaillait avec François Cheval à Châlons sur Saône. Elle lui a consacré en 2019 une exposition au Musée de la Photographie de LIanzhou en Chine .

A l’occasion de son retour au 104 après son commissariat pour Circulation(s) elle investit l’espace des écuries au niveau inférieur du lieu. Elle le structure en 4 grandes salles. Ces tirages étant souvent de petit formats, beaucoup sont encadrés en polyptyque, quelques uns sont agrandis au format affiche grâce au procédé des dos bleus. Pour accentuer l’effet sériel certains ensembles réussissent un grand nombre de tirages dans une même longue vitrine.

Chaque partie répond à un titre marquant une action identifiée dans la société de consommation venue des Etats Unis. L’Identification montre le rapport intime aux objets de cette société. Face à l’entrée de nombreux clichés exposent des consommateurs se portraiturant à côté de leur voiture ou sur le capot de celle-ci.

Le consumérisme est mis en avant dans le second volet titré Accumulation. On y trouve des séries comme celle des amateurs de Coca Cola. La troisième salle dédiée à la Profanation est liée à l’aspect nouvelle religion des objets, on y trouve les déviations fétichistes à partir des cérémonies. C’est aussi l’endroit de traditions comme celles du père Noël.

La dernière salle concerne la Liquidation dans le rapport à l’argent. C’est là que sont montrées les images des jeux mais aussi à des situations plus spécifiquement américaines comme cette habitude d’accrocher à la robe des mariées des billets pour assurer une fortune à venir. Une image de cette coutume sert de carton d’invitation.

Pour rendre l’exposition plus vivante encore une projection de diapositives en ouverture fait défiler toutes les images d’un fétichiste des séquences météo télévisées. Dans la dernière salle lui répond un autre diaporama qui reprend les doubles pages provocatrices de la micro-édition en 4 volumes produite par le collectionneur sous l’appellation What’s the fuck .

Comme le sous titre de l’exposition le proclame à raison la problématique dans son rapport à la classification est clairement politique, même si elle emprunte les chemins d’un humour critique. Contrairement à l’Anonymous Project qui a une visée plus fictionnelle la dimension contre-idéologique est ici primordiale. Le livre catalogue publié par la maison d’édition du collectionneur Innocences complète l’approche. Une autre version de cet accrochage sera visible au CRP de Douchy dans le courant de cette année.