A l’occasion de l’exposition « Mon cher jardin » au château de Villandry avec le soutien du Musée Michel Ciry de Varengeville sur Mer Alin Avila publie « Jardins de lumière » d’Akira Inumaru. Cet ouvrage reprend l’ensemble des nombreuses séries de l’artiste depuis 2010, Il s’ouvre sur un entretien avec le philosophe François L’Yvonnet intitulé « Faire de la lumière une matière » qui résume l’essentiel du programme mis en oeuvre avec toutes sortes de disciplines et de protocoles picturaux ou pluri-artistiques.
Dans cette entrevue préliminaire l’artiste né en 1984 au Japon se réclame de l’influence du travail d’Yves Klein dans sa recherche « où tout est espace/lumière ». Après son double diplôme dans son pays, arrivé en France en 2008 il suit l’enseignement des deux écoles d’art de Rouen et du Havre. Pour répondre au concept très porteur de « Transparition » évoqué par son interlocuteur Akira apporte une indication essentielle dans son rapport à l’oeuvre lors du travail d’atelier « je fais corps, je me perds » affirme-t-il. Nous y reviendrons en conclusion.
Il est fascinant de voir comment sur une période de treize ans l’artiste explore avec un réel bonheur de réussites plastiques toutes sortes de techniques para-picturales y associant, photo, dessin et performance pour donner corps à son obsessions de matière/lumière. Directement hérité d’Yves Klein son processus de distillation solaire appliqué à plusieurs séries reste le plus original. Il a été précédé de la série « Ignis factus » en 2011 avec des photos couleurs de fleurs mises à feu. Brûlant partiellement les zones d’ombres avec une loupe ciblée par la lumière solaire il met a jour des sous couches de papier , procédé qu’il invente dès 2012. On en trouve des variantes dans les séries « Kô-gô-sei » ( photosynthèse) 2014, « Portraits des plantes « 2016, « Pharmakon » 2017, associé à des dessins et collages, « Les fleurs du centenaire, (1918-2018) ou « Botanique » ,2018, qui oppose peinture fluo pour les plantes et peinture mate avec ajout de sable pour leurs ombres, le tout rehaussé de paillettes et pigments métalliques.
Dans une exploration systématique toutes sortes de plantes sont abordées ainsi que tous leurs supports de présentation. En 2017 « Pharmakon » étudie avec dessin, collage, et distillation solaire des plantes médicinales. Ses »Portraits de plantes » sont effectués à partir de croquis, photos et techniques mixtes étudiés dans le Jardin des Plantes de Rouen. Il reprend ses différentes techniques en y associant des pochoirs dont la forme est celle des feuilles et plantes trouvées in situ , ce qui lui permet de réaliser récemment ses portraits des jardins proches de Varengeville et celui de Villandry, que l’on trouve bonnement illustrés en ouverture du livre.
Dans la diversité de la nature pour rendre compte à Elbeuf de « L’arc en ciel des plantes tinctoriales » Akira Inumaru créé une installation avec flacons circulaires de maîtres verriers où il fait flotter dans de l’eau de la garance (qui fournit le rouge) de l’oseille (pour le vert) du lichen (vers l’orangé) et de la camomille (qui produit du jaune). Sept grands dessins révèlent l’aspect physique de ces plantes. Sa recherche fondamentale ne pouvait ignorer un mode de conversation ancien. « L’herbier de Monsieur L.P. »datant du XIXième siècle fait l’objet d’une réactivation picturale colorée où le geste s’attache plus particulièrement aux racines, feuilles et tiges.
Si l’idée est bonne de convier des chercheurs de différentes disciplines , philosophie, psychologie clinique , littérature et poésie, histoire, histoire de l’art et critique, à commenter les oeuvres , les textes trop courts sont souvent redondants
et moins révélateurs que les extraits de paroles de l’artiste . En diffèrent les propositions critiques d’Alin Avila qui évoque « l’emprise des jardins sur lui (qui) concerne tous les sens » et de Stéphane Carreyrou à propos de sa mise en jeu du corps comme un viatique sacral écrivant « il enlace étroitement les énergies de vie avec l’esprit des mort ». Cette interaction corporelle se révèle déjà dans « L’esprit d’Icare » en 2012 et dans « Kata » qui reprend des photos d’Yves Klein tirées des « Fondements du judo »
Autre approche très innovante sa découverte en 2021 des propriétés photo-luminescentes des mousses de « Schistostega » l’amène à créer des performances où le spectateur devient partie prenante en éclairant ses productions mixtes. En 2022 il profite de la période intermédiaire « De la nuit à la nuit » pour explorer des espaces naturels en Grèce, au Japon et en Normandie où il performe selon les variations de la lumière nocturne.
Cette recherche fondamentale passionnée trouve dans ce livre un recueil précieusement mis en page d’une grande puissance esthétique qui révèle l’univers d’un artiste singulier.