« Flower, seize the hour I did
I wait Waiting, waiting for your wake
I’ll wait. »
The Smashing Pumpkins – Snail (1991)
Les peintures et les installations picturales d’Hatice Pınarbaşı incarnent une langue étrange peuplée de signes récurrents : des motifs végétaux, des lettres romaines, des yeux, des escargots, des spirales, des vêtements ou encore des chaussures.
Cette langue est physique, elle prend l’espace, du sol aux murs sans oublier les airs. Peinture sur objets, peinture sur tissus, tissus peintures, cartons colorés, motifs dessin. Rien n’est sacralisé. Tous les éléments sont pensés en relation pour tendre vers une oralité des formes, des couleurs et des signes.
L’artiste fabrique une langue squatteuse, bavarde, quasi inaudible, faussement indélicate. Une langue performative au creux de laquelle Hatice Pınarbaşı crypte un récit autobiographique situé, critique et magique.
L’artiste compose avec ses origines et les réalités (économiques, culturelles et sociales) de son quotidien. Au fil des œuvres, la dimension magique et spirituelle s’affirme. De sa part kurde, elle injecte la pensée animiste, les pratiques sorcières, le nomadisme et la pensée ouverte des Alevis (la branche hippie de l’Islam).
Les signes, les matières et les couleurs sont chargés d’un pouvoir troublant. L’artiste fabrique une langue volontairement déstabilisante et résolument politique. Une langue en mouvement dont chaque élément peut adopter un autre statut, une autre position, une pluralité de sens. Une langue transitoire, crade, qui se fout bien de séduire ou de dégoûter. Une langue qui prend son temps et qui déborde spatialement pour chambouler notre relation au vivant.
Une langue adressée aux visibles comme aux invisibles, aux terrestres dans leur ensemble – sans hiérarchie, sans privilège. Hatice Pınarbaşı, dont l’alter ego est l’escargot (une créature discrète et superpuissante), bave et trace lentement sa grammaire précaire, consciemment analphabète.