Traversées focus sur le travail d’Oroubah Dieb

Oroubah Dieb découpe, colle, peint et juxtapose : des tissus colorés, de préférence fleuris ou imprimés de motifs géométriques et des éléments de magazines, que l’on devine féminins. Qu’il s’agisse d’œuvres sur châssis entoilés ou de supports papier de formats plus modestes, le résultat est maîtrisé, esthétique, presque ornemental.

Les silhouettes s’étendent, majestueuses, les paquets brillent comme des cadeaux, et les intérieurs sont douillets, coquets et chaleureux. Sweet memories…indique la couverture d’un carnet qu’Oroubah Dieb a investi en 2020 tel un livre d’artiste, en créant chaque jour de confinement, un nouveau collage, sur une nouvelle page. 

Tout ceci est bien joli… sauf que ça cloche. La perspective échappe aux lois de la nature. Comme chez Matisse, tout est à plat, au premier plan, prêt à basculer. Les plantes, photos, tableaux, livres et même les personnages, sont à deux doigts de glisser hors de l’espace pictural, hors du cadre, bref : hors de la zone de confort.

Quant à ce défilé coloré de personnages chargés de bagages, à bien y regarder, ils semblent plutôt errer dans un espace désertique et indéterminé. Les dos des femmes, enfants et personnes âgées ploient sous de trop lourds baluchons. Et comme souvent dans les œuvres de l’artiste, les visages disparaissent, dilués, privés d’humanité. 

En 2012, Oroubah Dieb quitte précipitamment la Syrie ravagée par la guerre, laissant derrière elle, accomplissement familial et professionnel. Depuis, elle décore, habille, et maquille. Autant de gestes fondant la base d’une véritable stratégie de camouflage qui se dessine sur une ligne de crête, dans une mise en tension. Les fleurs portent en elles l’espoir du vivant, mais elles dissimulent aussi des destins brisés.