La galerie Capazza investit le superbe hôtel Gouin à Tours cet été avec l’exposition « Verre et hasard, la genèse des images » qui constitue une rétrospective d’Antoine Leperlier avec le contrepoint de deux artistes taïwanais Loretta Yang et Chang Yi . Pour accueillir les visiteurs Alice et Nicolas Stadler ont imaginé une installation de miroirs décalés reflètant la façade de ce bâtiment atypique du XVème siècle.
Antoine Leperlier est né à Evreux en 1953. Il s’est initié à la pâte de verre avec son grand-père François Décorchemont. Après des études de philosophie et d’arts plastiques il étudie à partir de 1978 les notes techniques de son ailleul et entreprend alors ses premières recherches pratiques. Il partage cette passion familiale avec son frère Etienne (1952-2014).
Chacune des plus récentes œuvres d’Antoine Leperlier se présente comme une scène intime à l’intérieur de laquelle une ou plusieurs formes mènent une performance colorée, danse ou combat. Cela est facilité par son action en intaille : le décor est réalisé en creux dans le verre. Ces formes mutantes abusent de la transparence, elles nous obligent à accommoder pour appréhender l’énergie interne qui les anime. On retrouve ces formes hautes en couleurs dans ses aquarelles sur papier. Quand le cube se fait socle de verre une figure sculptée s’en détache, en émerge. Elle peut être silhouette animale ou vanité dont la face mortuaire se dédouble au miroir de la mort. Dans sa quête de la verticalité l’œuvre peut encore se faire stèle d’où sortent autant d’extensions.
Loretta Yang né en 1952 à Taïwan s’est fait connaître comme actrice de cinéma ayant obtenu deux Golden Horse Awards jusqu’en 1987 où elle a créé son atelier de pâte de verre . Elle vit et travaille actuellement en Chine. Pour ranimer l’art perdu de la technique verrière traditionnelle chinoise du Liuli elle a fondé Liuligongfang avec Chang Yi, qui quitte à l’époque son métier de metteur en scène, puis le Liuli China Museum à Shanghai . En dehors de son enseignement de ces techniques dans son pays, elle est aussi professeure honoraire au Centre International du Verre et Arts Plastiques (CIRVA) à Marseille.
Initié très jeune par son père à la calligraphie chinoise Chang Yi a d’abord préféré devenir réalisateur. Sa technique repose sur l’utilisation des fours, la pate de verre et la glaçure. Si la form ronde est souvent utilisée n décoration pour des presse-papiers notamment, en lui redonnant une assise verticale Chang Yi en fait des machines de vision.
Tous les deux travaillent aussi le verre moulé pressé , en couches successives qui jouent d l’irisation ou de l’opalescence. Ils utilisent également la technique du fusing qui assemble des formes préexistantes dont la fusion se fait à chaud. La transparence est exaltée par des jeux volumétriques.
Dans Malaise dans l’esthétique Jaques Rancière distingue 4 figures actives dans l’exposition contemporaine, le jeu, l’inventaire, la rencontre et le mystère. A l’hôtel Gouin les deux verriers chinois jouent de ce dernier atout tandis qu’Antoine Leperlier tente la rencontre dont le philosophe écrit « on pourrait aussi l’appeler invitation. L’artiste collectionneur y institue un espace d’accueil pour appeler le passant à engager une relation imprévue ».
Designers et artisans ont longtemps partagé les créations en verre, avant qu’un processus d’artification ne voit plasticiens et maîtres verriers donner à cette matière si difficile à travailler un espace propre permettant des créations indépendantes vraiment contemporaines. Les trois artistes ici exposés s’y emploient en développant des univers proches mais très personnels.