Cet été la programmation principale du centre Georges Pompidou de Metz offre un hommage à Giuseppe Arcimboldo (1526-1593) avec 130 artistes qui présentent des oeuvres manifestant une influence assumée ou inconsciente du peintre maniériste . Le commissariat est partagé entre l’artiste Maurizio Cattelan et Chiara Parisi, directrice du Centre Pompidou-Metz en collaboration avec Anne Horvath. Cette dernière précise le concept général : « L’idée est de proposer des rapprochements formels ou intellectuels, fantasmés ou intuitifs, pour composer un portrait subjectif d’Arcimboldo ». L’exposition prouve combien son œuvre nourrit la création depuis cinq siècles en abordant de multiples débats philosophiques et artistiques actuels.
L’exposition de Metz prolonge et élargit le point de vue de celle montée par Pontus Hulten à Venise en 1987 « L’Effet Arcimboldo. Les transformations du visage au XVIe siècle et au XXe siècle ». En plus du seul portrait elle développe aussi les thématiques du corps, de la nature, de l’animalité et s’ouvre à l’allégorie, à la métamorphose, au merveilleux, au grotesque …
De nombreux prêteurs institutionnels comme le musée du Louvre ou la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando à Madrid, permettent de revoir des oeuvres célèbres du peintre lombard comme les Saisons ou les plus rares dessins à la plume et au lavis bleu de la Galerie des Offices.Parmi ses œuvres les plus surprenantes on découvre les vitraux qu’il a créés au tout début de sa carrière pour la Cathédrale de Milan, et l’on admire dans sa matérialité le très conceptuel Bibliothécaire.
L’installation réalisée spécialement à l’occasion de cet hommage par Annette Messager nous accueille dès le Forum et prouve l’ouverture revendiquée notamment quant à la question de l’hybridation. Intitulée Le désir attrapé par le masque, elle se déploie sous la forme d’une farandole d’animaux cagoulés pris dans des filets ou suspendus sur des perchoirs en miroir.
Dès l’entrée dans la grande nef le visiteur est confronté à l’installation monumentale de Mario Merz, recomposée en triptyque pour la première fois depuis 1987 – l’Hommage à Arcimboldo, Cono et la Table de Chagny – avec ses fruits et légumes frais renouvelés quotidiennement. Elle nous oblige comme un pivot à choisir notre direction de visite. La première salle à droite affiche clairement le caractère trans-historique en accueillant des reproductions de mosaïques romaines montrant des masques, les photos de Zoé Léonard Tête de femme à barbe conservée au Musée Orfila et le film Sans titre. Human mask de Pierre Huyghe avec son singe déguisé en jeune fille portant un masque blanc inspiré du théâtre Nô.
Le corps hurlant ressurgit avec un portrait du pape Innocent X de Francis Bacon et une photographie peu connue de Gilbert&George Mouthed qui crée une étrange symbiose entre bouche et oeil pour un regard dévorant, quasi cannibale. Un autre mélange crée cette étonnante sculpture de Tim Noble et Sue Webster Narcisse rose qui oppose de façon drôlatique sexe et mental dans le jeu subtil d’une fausse ombre projetée. Elle dialogue avec le corps dédoublé d’une Poupée d’Hans Bellmer, la sensuelle Allégorie de genre de Marcel Duchamp et un pseudo portrait de Picabia. Dans la même veine mais plus contemporains on surprend la Sirène suspendue par Glenn Brown, un grand collage de Robert Heineken : Shiva, roi des danseurs apparaissant en travesti et la troublante figure clichée en couleurs de la série Heads and Tales – Jennifer de Heide Hatry, « réalisée avec de la peau de porc, de la chair et d’autres parties du corps non traité. » La même puissance imaginaire conférée à la représentation du visage se retrouve dans un autre tirage photographique , noir et blanc, produit par Wolfgang Tillmans Anders, (Brighton Arcimboldo).
L’une des pièces les plus spectaculaires est la sculpture monumentale Collines et nuages de Lynda Berglis qui suggère par ses différents matériaux une approche charnelle du paysage dans une exagération des formes caractéristique du maniérisme.