Les Presses Universitaires de Caen et l’Ecole supérieure des Arts et Médias Caen/Cherbourg nous proposent dans leur collection Symposia une réflexion pluri-artistique sur « L’apparition dans les oeuvres d’art ». Y sont mêlées des approches philosophiques, historiques et critiques où le cinéma domine en l’absence étonnante et regrettable de la photographie.
En ouverture le texte convoque la tradition des bonimenteurs adaptée au théâtre chez Brecht , Büchner ou de Ghelderode. Mais les arts visuels sont les plus nombreux à être abordés à l’aune de cet effet de survenue d’un phénomène ou d’un personnage.
Pour le cinéma Hélène Frazik étudie les liens complexes entre image et son dans des scènes filmées d’apparition fantastique où la voix prend le pouvoir. Une analyse monographique de Pierre Jailloux remet à l’honneur « Le portrait de Jennie » réalisé en noir et blanc par William Dieterle en 1948. En s’appuyant sur les relations ambigües d’un modèle féminin et d’un peintre l’auteur allemand dramatise un enfermement temporel.C’est un plan du film qui sert d’illustration de couverture.
Dans une des études les plus réussies Cammille Prunet rapproche « Videodrome » de David Cronenberg en 1983 d’une performance archivée aussi en vidéo du duo Art Orienté Objet
« Que le cheval vive en moi » réalisée en 2011. Les deux oeuvres parient sur l’hybridation de l’humain et du non-humain, la fluidité de l’image contribuant à la contamination, renforcée par les multiples modes technologiques des images.
Au centre du livre un portfolio du seul artiste présent dans l’essai montre les oeuvres de Maxime Thieffine , diplômé du Studio National des Arts Contemporains du Fresnoy, où des productions mixtes sont réunies pour favoriser le passage « Naissance des formes/Naissance du regard ».
Sur le jeu du « Désapparaître » Camille Paulhan aborde des oeuvres des années 1960-70 dans la continuité de Marcel Duchamp ou Piero Manzoni. Cette option plus contradictoire encore se voit matérialisée dans l’évocation la plus émouvante : Lucia Sagradini rend compte d’une performance ayant eu lieu en Argentine durant la dictature. Il s’agissait avec » El Siluetazo » de rendre visible à l’aide silhouettes à taille humaine les 30 000 disparus de la dictature. Réalisée par Rodolfo Aguerreberry, Guillermo Kexel et Julio Flores cette proposition historique manifeste la puissance d’une action artistique de résistance où la ré-apparition n’est pas qu’un phénomène esthétique.