Si la reproduction artistique de cartes postales avait été abordée de façon sociologique et critique quant aux grands ensembles des années 1960 par Mathieu Pernot , le livre de Cyrielle Lévêque publié par les éditions de l’épair se veut centré sur la communication au sein des cercles familiaux et amicaux ou professionnels.
Ce livre miniature est une émanation de la collection de cartes postales reçues par la famille de l’auteure . Cette pratique devenue désuète au temps des smartphone et d’internet témoigne d’une vie passée sublimée, idéalisée. Des recadrages serrés reproduisent en détail des situations corporelles liées à l’état de vacance. Ces vignettes clichées accentuent la présence du grain originel de fabrication mécanique des supports images.
Le tout petit format du livre (10×15 cm) est conçu pour une lecture à l’italienne. Dans la page du haut une courte phrase , mots rédigés par les expéditeurs ou indication géographique, crée une lecture faussée de cette image , dans un nouveau rapport de sens. A nous de reconstituer le message plus complet, souvent banal et attendu lui aussi ou à imaginer , ce qui apparait plus ludique, le reste du décor éliminé par le cadrage.
En fin de livre dans une pochette en papier cristal un double fac-similé reprend sur papier transparent une vue d’Ardèche, tandis qu’un dos de carte postale de Sanary est adressé par une certaine Nadia au Secrétariat de Chirurgie de l’hôpital de Soissons. Cette petite pensée adressée « à celles qui bossent » semble l’opposer au titre du livre d’artiste « Les joueurs » qui désigne les corps insouciants et désaffectés des gros plans de la correspondance estivale.
Tout se veut artisanal dans cette production éditoriale singulière , la couverture imprimée en risographie avec un grain important duquel le titre se détache à peine d’un massif fleuri, les papiers issus de forêts gérées durablement, la reliure cousue avec du fil bleu dont deux brins dépassent et le format qui reprend intelligemment celui de la carte postale .