« Une bibliothèque », celle de la MEP, exceptionnelle

La Maison Européenne de la Photographie existe depuis 1996 ; pour compléter ses expositions temporaires et sa collection d’œuvres originales sa bibliothèque compte à ce jour près de trente-deux mille livres. Pour témoigner de ces deux aspects cet essai « Une bibliothèque » fait suite à « Une collection », édité en 2015, qui rassemblait plus de trois cents œuvres. Sa responsable depuis l’ouverture du lieu Irène Attinger nous invite à découvrir une sélection de cent livres importants publiés entre 1956 et 2015.

Cette bibliothèque l’une des plus importantes en Europe a été constituée à partir d’un noyau réuni par Roméo Martinez. Historien de la photographie, directeur de 1953 à 1964 de la prestigieuse revue suisse Camera il a cédé sa bibliothèque grâce à l’entremise de Jean-Jacques Naudet. Avant l’ouverture du lieu actuel Jean-Bernard Hébey, grand collectionneur de publications images va enrichir cet ensemble de 1988 à 1994. Irène Attinger en prend alors la responsabilité jusqu’à lui donner sa forme actuelle. Dans sa préface Jean-Luc Monterosso rappelle ces diverses contributions.

Le livre au format 24 x 30 cm, comporte 224 pages et 400 illustrations.
Chaque double page présente en vis-à-vis un texte introductif du livre
et la reproduction de 2 à 4 de ses doubles pages intérieures.

Dans son introduction la directrice de la bibliothèque justifie ainsi les critères de choix : « Si les considérations esthétiques sont importantes, d’autres critères comme le thème et la place historique de l’ouvrage
interviennent . Un choix peut être déterminé par la notoriété d’un photographe (mémoire d’une œuvre) par le développement
d’une collection d’une maison d’édition, par l’importance d’une
exposition de photographies. Il peut aussi être justifié par des
événements sociaux ou politiques très importants. »

La géographie des villes ou des pays se trouve bien illustrée avec le New York de William Klein, les Allemands de René Burri, Paris Mortel de Johan van der Keuken, les photos de rues de l’espagnol Joan Colom ou Barcelone en blanc et noir de Xavier Miserachs ou encore, plus inattendu, Samba Samba Bresil du japonais Jun Miki. De nombreux ouvrages de reportage ou documentaire témoignent de l’Histoire du XXe siècle, on peut mettre en avant Vietnam Inc de Philip John Griffiths ou le Hiroshima de Ken Domon.

On retrouve aussi dans ce choix des livres qui ont fait l’Histoire du médium comme Les américains de Robert Frank ou les Perspectives sur le nu de Bill Brandt ou encore les monographies de Harry Callahan, Diane Arbus ou Manuel Alvarez Bravo. Toutes les grandes écoles esthétiques sont représentées, la photo humaniste et les plasticiens, les nouvelles fictions documentaires mais il est regrettable que l’école de Dusseldorf y occupe une place minorée réduite à la seule présence de Thomas Struth avec Unconcious places.

La plupart des pays sont bien référencés même si on remarque une très forte présence américaine compréhensible du fait de leur action dans l’histoire de cet art. Si les japonais y sont aussi nombreux c’est grâce à l’initiative de l’historienne et critique Kaze Kuramochi, qui a trouvé un partenariat pour que les grands artistes de son pays voient leurs livres intégrés. Dans la sélection italienne on est heureux de trouver Basilico et Giacomelli et bien entendu le Kodachrome de Luigi Ghirri, alors qu’un Paolo Gasparini peu représentatif du pays se trouve heureusement concurrencé par un essai sur un hôpital psychiatrique Morire di classe de Gianni Berengo Gardin avec un accompagnement de la sociologue Carla Cerati..

Les femmes artistes occupent une place importante, les célèbres comme Sophie Calle, Cindy Sherman ou Nan Goldin mais on est heureux de découvrir deux ouvrages plus rares Le troisième angle de la suédoise Eva Klasson ou Yanomami de la brésilienne Claudia Andujar . On ne peut qu’apprécier aussi de revoir l’important Fait de Sophie Riestelhueber.

Les livres d’artistes ne sont pas absents avec Every building on Sunset Strip de Ed Rusha, Les 100 photographies érotiques de Molinier Ordeal by roses de Eikoh Hosoe ou la monographie de Samaras. Plus rare encore Yutaka Takanashi figure pour Toshi-e/ Towards the City.

Pour rester critique la sélection française est très justifiée bien que fort classique, il est appréciable que Plossu soit représenté par ses Voyages italiensmais on peut s’interroger sur la nécessité du Sieff Portraits de dames assises. Cependant bien que subjective cette sélection a le mérite d’introduire des outsiders d’autres domaines comme Allen Ginsberg ou de nous faire découvrir des talents comme le danois Jacob Aue Sobol avec Sabine au sujet d’un village inuit ou Geert van Kesteren et son Irak publié en 2003.

Pour mieux apprécier la lecture de ce livre rien de tel que d’en compléter les justes choix par la fréquentation de cette exceptionnelle bibliothèque.