Dominique Clerc aime s’attacher aux représentations des paysages urbains en images denses aux cieux contrasté. Dès ses premières séries cela donnait de notre monde une vision des plus dramatiques. Cette vision s’accentue et se radicalise avec les différentes déclinaisons sérielles de son livre « Sociales fictions ».
Dominique Clerc est l’un des co-fondateurs avec François Salmeron et François Ronsiaux de la Biennale de l’Image Tangible qui se tient à Paris dans le 20 ème arrondissement. Les artistes qui travaillent de nouvelles formes de photographie en lien à l’objet, à l’architecture ou à la recherche de la troisième dimension réelle ou simulée y sont nombreux. Son travail personnel se situe dans ce champ de recherche résultant principalement de différentes occurrences de collages numériques.
En intitulant cet ensemble de 11 séries Sociales Fictions , terme apparemment antinomique, il se place aux côtés du grand courant des Fictions documentaires en se réservant une dimension plus onirique. Ce qui lui permet par exemple d’imaginer une évolution écologique improbable dans Enjoy & The City qui révèle Paris envahi par une nature totalement intrusive.
Portraits in space de la photographe taïwanaise Wei Chang étudie le portrait sous tous les angles dans des paysages urbains ordinaires, sans qualité, cadrés serrés et montrés en couleurs claires et désaturées, Au contraire Les personnages présents dans la série In Mémoriam évoluent en errance dans de vastes espaces comme abandonnés sous une lumière crépusculaire. En jouant de l’image dans l’image pour sa série Coincidences il renouvelle la sur-présence des écrans dans nos vies en leur donnant un caractère plus poétique, auxquels les personnages présents dans le cadre restituent une échelle selon une tradition qui remonte aux origines de la photographie.
On se souvient en 2005 de l’exposition de Nicolas Moulin Vider Paris au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Toute présence humaine étant supprimée des espaces de la Capitale les étages inférieurs rez-de-chaussée , entresol et premier niveau sont représentés murés. Dominique Clerc réinvente ce genre de dispositif protecteur en l’appliquant à différentes situations de bâtiments urbains et même présents dans la nature. En intitulant cette série Sweet Home il ironise sur cette dégradation des espaces partagés vers plus de sécurité et de contrôle.
Cette évolution vers le tout sécuritaire est très présente dans la série au titre ironiquement amer de Welcome . Face aux menaces d’invasions étrangères dénoncées par l’extrême droite le photographe dénonce dans ses collages numériques un monde totalement militarisé , avec ses maisons murées, ses villages fortifiés entourés de tranchées.
Dans une telle situation générale la répartition des espaces individuels et collectifs se trouve modifiée. La défense des libertés personnelles peut passer par la revendication de Paysages intérieurs, ils offrent une ressource temporaire à la dystopie dénoncée dans l’ensemble des autres séries. Pour illustrer la façon dont notre intimité se trouve exposée sur les réseaux sociaux le photographe imagine dans l’espace des mégalopoles des cellules individuelles les Personal Data offertes au voyeurisme de tout un chacun.
Les nouvelles situations humaines s’organisent selon les occurrences des jeux vidéo, les joueurs en situation luttent contre les agressions qui se multiplient selon les Games Code , ils peuvent se rêver ainsi en héros d’aventures imaginaires. Ces espaces sont gérés par l’industrie qui gouverne nos vies. Omniprésente la publicité envahit tous les espaces communs du quotidien , pour multiplier ses Images de Marque.
La série la plus originale, parce que la moins réaliste, nous introduit dans le monde d’une Terra Incognita , elle s’appuie sur les éléments figuratifs civisationnels illustrant les différents billets européens . C’est une de ces oeuvres que l’on trouve en couverture de l’ouvrage . Chaque image regroupe en les réorganisant ces éléments culturels qui créent des paysages improbables, mais d’une grande puissance évocatoire quant à l’imaginaire européen que l’on partage.
Les enjeux politiques majeurs explorés par ce livre montrent une vison unifiée grâce à une technique totalement maitrisée où les liens entre réel social et fiction artistique se trouvent rebattus avec lucidité et intelligence plastique.