Depuis quelques années le Salon Réalités Nouvelles consacré à la peinture et à la sculpture s’est renouvelé avec l’apport de la photo numérique, puis des nouvelles technologies, de l’intelligence artificielle et des relations Art /sciences. Cette année j’ai eu le plaisir de découvrir la projection vidéographique d’une oeuvre générative réalisée par le duo mixte B_Long. Cette création intitulée RAUS en hommage à Robert Rauschenberg renouvelle un thème souvent abordé par les peintres celui de l’atelier.
Les organisateurs du Salon ont cette année été récompensés pour leur travail personnel , Olivier di Pizio a reçu le prix Point contemporain , Jean-Marc CHOMAZ & Tania LE GOFF, ont reçu le Prix ArtsHebdoMédias pour Irréversibles Abstractions – Dissolution des mondes flottants, installation arts et sciences . Plusieurs critique présents ont été intéressés par l’oeuvre cartographique de Sandrine Thiébaud Mathieu, secrétaire générale de l’association.Artiste plasticienne, initialement peintre, elle a dépouillé la toile de sa peinture pour exercer un art textile transpercé d’épingles qui le structurent jusqu’à la sculpture. La délicatesse de son univers se manifeste aussi bien dans sa fascinante technique procédurale que dans la poésie de ses titres tels que Contre les gravités qui nous mènent à la chute ou Jusqu’aux lenteurs habitables. Elle a reçu le Prix L’Oeil 2023.
Alain Longuet est l’un des pionniers de l’Art vidéo français, il a réalisé aussi bien des bandes seules que des installations. Il partage son temps entre infographies, photo numérique, installations vidéo et performatives, la valorisation des archives de l’art vidéo analogiques des années 80 et le développement de nouveaux projets collaboratifs. Il a beaucoup partagé son expérience de vidéaste pour ses vidéo-danse , il a ainsi assuré la scénographe images de la sublime trilogie de Mark Tomkins Men, Women , Humen. Un autre de ses engagements le place auprès d’artistes pour ses visites d’atelier. Il a rénové son approche de ces lieux essentiels à la création au sein de B_Long.
Le duo B_Long réunit Carol-Ann Braun et Alain Longuet ils ont produit ces cinq dernières années. à la galerie Abstract Project, vitrine permanente du Salon, quatre oeuvres génératives communes. L’algorithme, conçu par les deux artistes, est codé par Alain Longuet ; les éléments graphiques agencés à l’écran sont créés par Carol-Ann Braun à partir de motifs dessinés ou photographiés dans son atelier.
Cette dernière en tant que franco-américaine a été formée à l’Université de Princeton à l’Institut d’Etudes Théâtrales avant un DEA à Paris 3. Elle se définit comme peintre et désigner d’interfaces. Invitée à Réalités nouvelles par David Apikian dès 2014 pour ses activités multimédia et numérique, elle a à l’époque reçu une commande de la fondation de France pour un vitrail interactif. C’était une œuvre participative qui s’est métamorphosée en Street Media Totem dont les composantes ont été une source d’inspiration pour RAUS.
Dans son atelier elle a produit des images d’oeuvres, des fragments de son totem, les murs, les dessins , les notes. Dans l’oeuvre commune ces fragments, de taille et contours variables se superposent. Leur challenge a été d’équilibrer aléatoire et composition. Une centaine de ces fragments (dont l’échelle a été longuement retravaillée) mélangent gestes peints, traits rectilignes et autres motifs géométriques. Les compositions picturales générées sont en évolution constante grâce aux moteurs algorithmiques mis au point par Alain Longuet, d’où l’oeuvre plus procédurale que générative car le principe de random access et d’affichage au hasard n’est pas strictement génératif. Un autre équilibre s’établit dans le flux programmé entre éléments graphiques aux limites de l’abstraction et fragments plus concrets.
Carol-Ann Braun a été l‘un des artisans du colloque « Apologie de la coproduction comme intelligence collective. Qu est ce que l ‘ IA peut ne pas nous prendre ? » . A cette occasion 32 artistes de l ‘association ont produit collectivement l’exposition Prompts . Des commandes écrites sont transmises à l’outil d’intelligence artificielle Stable Diffusion pour la production d’images, regroupées par Denise Demaret-Pranville en arbres de Pythagore, fractales construites à l’aide de carrés. Le travail collectif ne s’arrête pas là : les différents prompts sont repris dans un poème rédigé par ChatGPT. Par la suite, les images des artistes sont fusionnées pour faire émerger l’amorce d’une esthétique « Réalités Nouvelles » partagée. La douzaine de panneaux de l’installation PROMPT ART dialogue avec la fascinante pièce vidéo-projetée RAUS comme une autre possible création entre initiatives humaines et technologies les plus actuelles.