Une performance photographique pour une complexe relation maman – bébé

A l’encontre de toutes les idées reçues sur la maternité Véronique L’hoste nous fait revivre sa grossesse isolée par le covid et les trois premières années de sa vie avec son enfant. Dans un livre d’artiste à la forme très singulière publié par les Éditions Orange Claire sous la direction de Claire Jolin elle met en scène cette relation nouvelle qui bouleverse toute sa vie.

Née en 1980, Véronique L’Hoste vit et travaille à Metz où elle a cofondé le collectif Dissidence, pour la promotion et la diffusion de la photographie contemporaine dans le Grand-Est. Elle se revendique comme photographe performative, suite à son DNSEP obtenu à l’École supérieure d’art de Lorraine et à un Master II multimédia.

Si la photographie est son outil principal elle y ajoute occasionnellement la vidéo et le dessin dans une dimension autobiographique où intervient la mise en scène pour questionner la condition humaine. En titrant sa série Devour elle situe ses premiers autoportraits et l’ensemble de la série dans une atmosphère sombre le terme en anglais signifiant dévorer, engloutir, consumer . Partant de ce sentiment de la solitude de sa situation qu’elle illustre en se positionnant devant son appareil elle montre les étapes de son évolution psychique.La nourriture y joue un rôle important qu’elle dénonce par des natures mortes où les aliments pris sous vide deviennent inquiétants.

Toutes ses images sont prises dans un format vertical qui rappelle celui des smartphones. L’intelligence de ce projet est de fendre beaucoup de ses images selon un axe vertical qui correspond à la pliure du livre intégré dans une capsule transparente. A nous lecteur de déplier ces pages pour entrer un peu plus dans cette histoire intime . Si les premières images du bébé cadré de loin sur fond de draps donnent l’impression qu’il flotte, d’autres images de lui prises quand il aborde la marche montrent une fusion impossible avec le corps de la mère auquel il se heurte.

Le mot Devour évoque une autre réalité plus contemporaine un « Jeu rituel pour chasser les démons, jeu de survie, d’horreur ». On peut supposer que c’est la raison pour laquelle l’auteure a intégré en réaction des images de plans tirés du film Sunshine de Danny Boyle. Cette histoire d’astronautes partis en mission pour sauver le soleil montre qu’ils doivent faire abstraction d’eux-mêmes pour que l’humanité vive. C’est l’engagement même de chaque mère, c’est aussi pourquoi un texte de Stéphanie Thomas, auteure chez JC Lattès en 2021 de Mal de mères est publié en postface.

La subtilité de l’organisation du livre dont les pages sont indépendantes est de mêler mises en scènes, prises sur le vif et tirages caviardés par des coulures de couleur ou dessins de l’enfant. Cette organisation verticale de l’espace crée des collapsus situationnels d’une grande force visuelle. Les deux univers maternels et enfantins trouvent un statu quo visuel qui nous convainc de la réussite de cette lutte intime sauvée par la photo dans ses dimensions performatives.