Une quête souterraine sensuelle et exigeante

Dans le cadre de la résidence Terre&Territoires organisée par Valimage et Zone i en région Centre Val de Loire, Julie Hascoët propose deux expositions complémentaires à la Chapelle de l’Hôtel Dieu de Beaugency et au Moulin de la Fontaine à Thoré la Rochette sous l’appellation « Entrer en matière ». Elle s’attache à mettre en valeur divers espaces souterrains. Dans les deux lieux elle présente des tirages de grande taille qu’elle installe pour forcer l’attention du visiteur et dérouter sa lecture première.

Au Moulin de Thoré la Rochette à côté de Vendôme elle opère un accrochage plus enveloppant qui cerne le spectateur l’obligeant à investir corporellement le lieu pour découvrir tous les tirages. Dans la chapelle de Beaugency le jeu des formats permet une lecture successive des différents ensembles. Face à l’entrée une vue très centrée, façon oculus, met en relief un espace naturel marqué par l’intervention humaine d’un escalier. Dans ces deux espaces elle explore d’anciennes carrières, des habitats troglodytes abandonnés, des caves, le sous sol exploité du paysage fait l’objet de son enquête.

Elle utilise pour la mener à bien différents documents et pièces d’archives, notamment des cartes postales et géographiques. A Beaugency une installation monumentale se trouve encadrée par deux tirages verticaux offrant accès aux espaces à découvrir, ils encadrent une carte d cela région agrandie et recardée en panoramique. En son centre une double rangée de petits tirages horizontaux créée une ligne de fracture qui matérialise une sorte d’artère creuse par l’homme. « J’ai pris la brèche. Je suis venue cueillir la nuit en plein milieu du jour : mon aventure commence là ».

Qelques personnages généralement photographiés d’assez près occupent ces espaces internes, saisis en action mais comme surpris par l’artiste ils ne posent pas vraiment et ne relèvent pas non plus du portrait, ils sont plutôt les acteurs anonymes complices de cette quête d’un secret du paysage.

Dans le livre d’artiste co-publié par Zone i et Filigranes la double nature physique et spirituelle de cette quête nous est révélée. Une épaisse couverture cartonnée est associée à une reliure à couture apparente dite à la Bodonienne comme pour mieux protéger cette révélation. La seconde double page en reproduisant un extrait du Terrier de Kafka nous indique le caractère exigeant de cette aventure. Des indications manuscrites, dont certaines rayées en recherche du mot le plus précis, donne des indications sur les ressentis de la photographe durant cette résidence.

D’autres textes reproduits constituent le cadre historique et géographique de ce sous-sol, avec aussi ses légendes comme celle du serpent de Loire que l’on retrouve présents dans le livre sous différentes formes. Quant à la dimension philosophique elle se trouve résumée par l’extrait de L’épreuve du Labyrinthe, de Mircea Eliade. Dans l’actuel contexte anxiogène généralisé le monde souterrain en lien au passé offre une échappée potentielle, les formes matérielle qu’elle propose sont mises en valeur aussi bien par les approches noir et blanc, plus formelles, que par la sensualité des couleurs. Ce parcours d’une haute sensualité rapporté dans ce carnet de résidence nous permet de découvrir autrement la riche région Centre Val de Loire dans une expérience humaine d’une vraie intensité.