Alexandre Dupeyron vient de publier son premier livre « Dysnomia » aux éditions sun/sun dirigées par Céline Pévrier . La reliure japonaise autorise une autre forme de lecture plus dynamique dés lors que la souplesse de l’ouvrage permet de le feuilleter, en le basculant à l’horizontale, comme un flipbook. Tandis que sa couverture souple déroule une complexe image panoramique qui invite le lecteur à commencer son voyage.
Né en 1983 cet auteur franco-allemand, diplômé d’une école de journalisme a mené à la fois une pratique documentaire , et des réponses aux commandes de la presse internationale, recherche consacrée par sa série sur le génocide au Darfour, exposée grâce à l’UNHCR en 2006-2007 notamment au Centre Mondial de la Paix à Verdun. Son travail personnel s’organise de façon sérielle ; deux ensembles approchent des interactions corps /architecture avec Runners of the Future ou Monades Urbaines une de ses rares réalisations couleurs. En effet c’est principalement dans un noir et blanc intense qu’il mène une approche cosmogonique sur les liens entre l’univers et l’homme, avec la série Mondes oubliés et dont Dysnomia constitue une sorte d’aboutissement esthétique.
Constitué comme une riche partition photo-texte le livre revendique son inspiration issue de trois sources, dans le domaine mythologique une déesse grecque personnifiant l’anarchie, au niveau universel un astre, satellite naturel de la planète naine Eris. enfin au niveau humain une forme d’aphasie, d’incapacité à nommer les choses ou à reconnaitre leur nom. La complexité du projet se trouve dans cette mixité d’approches qui se révèlent aussi autant dans la mise en texte que dans le jeu des images intersticielles. Alexandre Dupeyron interprète d’ailleurs sa série en performance photographique, sur une création sonore de Thomas Julienne, compositeur et contrebassiste pour son quintette Theorem of Joy.
Dans l’univers de l’artiste macrocosme naturel et microcosme humain sont mêlés en un même flux de vie , un magma indifférencié d’où s’échappent des visions indéterminées. Les corps qui flottent retrouvent au contact de la nature une énergie nouvelle pour entamer une autre forme de danse, une chorégraphie de pénombre et de lumière au plus près des organismes. Ces images-visions interrogent la certitude du spectateur, les genres comme les règnes se démultiplient sans rapport à une échelle identifiable.
En quête de la substance des choses les photos sondent l’organique comme le minéral, hors du noir surgissent différents éléments aussi divers que silhouettes d’arbres, apparition de visages, paysages naturels et urbains . A ce sujet dans sa postface François Cheval témoigne « Par son oeuvre, Alexandre Dupeyron a constitué entre ses séries d’ininterrompues conversations d’où il se dégage la sensation d’une matière universelle comme un trou noir. Une énergie lumineuse jaillit telle une source vitale imposant la présence de l’être comme essence. » C’est à la vitalité de cette cosmogonie contrastée que l’auteur nous invite dans une expérience rare.