Une somme sculpturale

L’oeuvre de Jean Charles Pigeau se développe à l’international depuis la fin des années 1980, elle s’est accompagnée de trois livres précédemment publiés chez Actes Sud « Éloge de la Traversée » en 1998« Par delà les tropiques » en 2002 et « La Dialectique du vent » un an après . Ils constituent plutôt des approches sérielles alors que le livre publié récemment par les éditions Hervé Chopin se donne comme une approche globale de son travail de sculpteur. En lien avec ses différents lieux d’action tous les textes critiques sont traduits en anglais , en espagnol et en chinois. Si Jacques Leenhardt signe l’approche critique principale sous le titre « Une odyssée transculturelle » un important appareil théorique accompagne l’ensemble des séries exploitées.

En ouverture du livre un texte de Jacques Kerchache, collectionneur d’arts premiers présente l’artiste comme « une sorte de moine zen en apprentissage, travaillant dur toute la semaine pour se payer son arc et tirer ses flèches qui appellent la foudre et la pluie sur des lieux de rêve et de mémoire. » Le texte principal de Jacques Leenhardt, docteur en sociologie et en philosophie, se développe selon les grands moments de sa recherche en partant de son lien au land art, sensible depuis les sept sculptures miroirs paraboliques constituant la Suite pour ciel seul.

Le classement des oeuvres se fait ensuite soit selon leur activation géographique Mexique, Japon, El Cerrito au coeur de la culture Maya, ou encore le Popocatepetl soit son leur caractéristique technique : les Conques, les sténopés, les miroirs … Le chapitre le plus important étant consacré à la partie la plus originale de la création les Sculptures-architectures. En fin de livre cette approche des pratiques se trouve complétée. Introduites par Quelque repères biographiques toutes sortes de notices composées de petites images et de références techniques constituent une première approche d’un catalogue raisonné depuis sa sortie diplômé du DNSEP de l’ENSBA à Paris en 1981 jusqu’à nos jours.

Ses différentes séries sont rendues possibles par l’utilisation de matériaux simples et nobles comme le plâtre, les miroirs , le bois, la feuille d’or ou les réalisations en terre crue. Dans sa postface l’anthropologue Maurice Godelier décrit leur méthode commune : « Se décentrer pour comprendre ». Dans cette approche transculturelle l’expérimentation de ces matériaux permet la réalisation de ce que j’avais évoqué dans un précédent article comme Les cosmogonies portatives d’une oeuvre antimondialiste.

Pour ce faire Jean-Charles Pigeau tente de développer les forces méditatives de la sculpture, il cherche à créer d’autres liens entre la terre et le ciel, ce qui l’amène à explorer les territoires les plus favorables par leur histoire à une telle liaison, ceux du Mexique, de la Chine, du Japon de la Nouvelle Calédonie… Du côté de l’image il cherche à rendre sensible les mouvements de l’air, en installant ses Conques en milieu naturel ou en procédant à des captures de vent qu’il matérialise en grands tirages réalisés grâce à de primitifs sténopés d’arbres. Dans ses réalisations en 3d il produit d’abord au plus près du sol une forme circulaire miroir ou socle, qu’il oriente vers le haut puis quand la sculpture peut arriver elle se développe en structure ascendante, cône ou pyramide , et peut même s’étendre en cellule de méditation ou en architecture comme l’Oratoire réalisé à Baca dans le Yukatan.

Un livre à découvrir comme le récit d’un voyage de l’humain aux limites de ses territoires de nature, corps et esprit réconciliés.