Une vision documentaire de réfugiés climatiques de la Louisiane

La médiathèque d’Orléans poursuit son action démocratique d’accès à la culture en offrant depuis cette année à tous les habitants de la ville la gratuité du prêt de l’ensemble de ses documents, revues livres , cd et dvd. A l’entrée une salle ronde accueille régulièrement des accrochages souvent liées à une thématique générale. Jusqu’au 4 mai dans le cadre de la manifestation Les Voix d’Orléans, « Informer à tout prix » l’exposition photo « Fading Into the Blue » est sous titrée « Un récit documentaire de Sandra Mehl ». Elle s’accompagne d’une installation du designer sonore Shoï Lorillard du label Extrasystole.

Née à Sète en 1980 , Sandra Mehl, diplômée de Sciences-Po Paris, et de l’Ehess en sociologie, a travaillé dans l’humanitaire, puis dans le développement urbain avant de se consacrer à la pratique photo-documentaire. Elle s’est attachée à explorer les rapports entre les humains et leur territoire. En 20009 cela lui a permis de produire sur la relation Israël/Palestine son projet « Checkpoint Chronicle ». Donnant une dimension plus intimiste à ses images elle a réalisé un suivi estival des activités de la plage de Sète qui a donné lieu à sa série “p.s. : je t’écris de la plage des Mouettes”. C’est ensuite le double portrait de deux adolescentes, « Ilona et Maddelena » deux soeurs vivant dans une cité de Montpellier qui l’a occupé.

Ce que nous voyons ici est la résultante de son projet sur les communautés du Sud de la Louisiane, confrontées au dérèglement climatique et à l’exploitation pétrolière. Cet ensemble a reçu le Prix Mentor en 2016. L’exposition se focalise sur l’Isle de Jean-Charles à 120 km au sud de la Nouvelle Orléans, qui a perdu 98 % de sa surface depuis 1995 du fait de la montée des eaux, et d’une sur-exploitation pétrolière, la Louisiane étant 4ème Etat producteur de brut des Etats-Unis.

Sandra Mehl a opéré deux importants séjours dans cette presqu’île longue de 8km, et reliée au continent par une unique route. C’est cette première vision qui nous accueille dans l’exposition. Ayant entretenu un dialogue avec la centaine d’habitants qui subsistent sur place elle a doublé ses prises de vues d’entretiens avec eux sur leur situation. Au centre de l’espace d’exposition la création sonore ambiante sonore se double d’un vieux poste de radio et d’un électrophone où tourne un 33 tours un disque de Vin Bruce « Cajun’s Country Greatest », nous rappelant que cette population parle un dérivé de la langue cajun.

L’accrochage fait alterner des portraits des habitants dans leur intimité quotidienne avec des vues atmosphériques des paysages environnants. Ceux ci sont souvent pris à des heures tardives ou dans des situations météorologiques qui en gomment les détails. Les résidents posent le plus souvent seuls dans des situations du quotidien dont le naturel n’insiste pas sur la présence de la photographe . Beaucoup semblent profondément enfouis dans leur pensée, y compris les plus jeunes. Un vieux couple vaque à leurs occupations dan sleur cuisine, tournant le dos à l’appareil.

Les vues extérieures sont peu fréquentées, Une silhouette plutôt jeune traverse l’unique voie en courant, une jeune femme semble lancer un caillou dans la mer, la dernière scène , entre chien et loup elle aussi montre le jeu de deux adolescents, dont l’un menace l’autre d’un révolver. La menace qui plane sur leurs vies à tous est bien plus grave, celle de leur disparition.

Le travail couleur renforcé par de subtiles tirages mats se situe dans la lignée des grands créateurs américains, on pense à une version cajun de The democratic Forest d’Eggleston. Certaines vues d’intérieur reproduisent de vieilles gravures ou des clichés anciens, comme si tout ce territoire n’existait déjà plus qu’en tant qu’images. La collaboration avec le designer sonore autant qu’à la constitution du chemin de fer de l’accrochage font de Sandra Mehl une nouvelle représentante de ce courant si porteur aujourd’hui de la photographie documentaire.