Monter un festival en 6 mois c’est la gageure qu’a tenu Patric Clanet pour cette édition du Vannes Photo Festival 2022 qui existait sous une forme traditionnelle seulement liée à la mer depuis longtemps. Deux grands axes One life, la commande citoyenne et C’est le Pérou structurent cette programmation. S’y ajoutent des dialogues critiques-artistes appelés Cafés des images.
Patric Clanet n’a pas oublié les années passées à l’ENSP d’Arles en tant que directeur adjoint. Il invite trois artistes diplômés de cette Ecole à exposer : Yveline Loiseur et ses très sensibles portraits couleurs d’adolescents sont regroupés sous cet intitulé poétique Je te l’ai dit pour les nuages. Les Objets autonomes de Louis Matton proviennent de la ZAD de Notre Dame des Landes entre 2012 et 2015. SMITH poursuit son aventure de la Désidération pour une Escale posée dans le jardin des remparts. Les différentes étapes photographiques de cette expérimentation philosophique sont ici merveilleusement mises en valeur, portraits humains et animaux , décors emphatiques dressent un univers des plus sensoriels.
J’ai eu le plaisir d’être l’interlocuteur critique de SMITH pour poursuivre notre dialogue autour de ses oeuvres si radicales, j’y ai développé mon hypothèse de son projet comme opéra plastique. Luce Lebart, historienne de la photographie et co-autrice d’Une histoire mondiale des femmes photographes a rencontré Yveline Loiseur. Eric Karsenty, lui aussi diplômé d’Arles, première promotion, et rédacteur en chef de Fish Eye a accompagné le travail engagé de Louis Matton.
Un quatrième artiste Nicolas Floc’h assure le versant écologique , dans une partie appelée Rizhome , pour une série sous-marine en noir et blanc qui oppose à la finis terrae l’Initium maris . Ce travail d’une grande sensualité est exposé dans Le Kiosque, lieu dédié à la photographie sur le port, dans une boite noire, les subtiles tirages piezo prennent toute leur force bouleversante.
L’autre partie de la carrière de Patric Clanet s’est déroulée au sein du Ministère des Affaires étrangères où il a dirigé des établissement culturels en Colombie, au Mexique et au Pérou. Assez peu connue en France cette scène est très riche. Du point de vue historique elle est ici représentée par la personnalité incontestée de Martin Chambi (1891-1973). Quarante tirages modernes mais de très grande qualité ont été confiés par le musée espagnol de l’Université de Navarre. Représentant de la génération des années 90 Roberto Huarcaya est le fondateur du Centro de la Imagen à Lima, sur le port il crée une installation monumentale sous forme de labyrinthe Amazogramas/Andegramas. Ces photogrammes de grande dimension nous font transiter des formes naturelles de la végétation aux figures humaines de la communauté Patacancha.
Alejandro Leon Cannok actuel doctorant à l’ENSP a produit une soirée de projection sur La photographie péruvienne contemporaine accompagné de l’édition d’un tiré à part de la revue Fish Eye réalisé avec Eric Karsenty. C’est l’occasion de découvrir quatre autres figures de la première génération dont Milagros de la Torre ou Flavia Gandolfo. La seconde génération active à partir du XXI ème siècle est approchée à travers 10 créateurs d’où se détachent pour moi les figures plus radicales de Musuk Nolte pour la série La résistance du silence , Yawar Wayta pour The birth of Antares ou Tarrah Krajnak avec Le jardin des chemins qui bifurquent.
La construction globale du festival s’est appuyée sur une participation citoyenne, de nombreuses cartes blanches données à des associations locales , la médiation des Nouveaux commanditaires. Un tremplin a donné la parole à un jeune groupe d’artistes bretons l’interessant Collectif Nouveau document, nous y reviendrons.