Variation Art Fair ou les technologies sublimées

Pour la 4eme année Variation Art Fair a offert pendant la Digital Week
semaine numérique à Paris et en Ile de France, un panorama des meilleures expériences dédiées aux nouveaux médias dans leur relation aux arts plastiques. Ses précédentes éditions accueillies dans l’Espace des Blancs Manteaux supposaient une scénographie chorale, cette année hébergée dans les trois niveaux de la Cité Internationale des Arts les organisateurs ont favorisé des dialogues plus directs au sein de ce white cube mis au service de l’œuvre individuelle.

Dominique Moulon, directeur artistique et Anne Cécile Worms , productrice, poursuivent leur formule entre foire et salon accueillant des créateurs représentés en galerie et d’autres défendant leurs recherches technologiques en indépendants. L’intérêt de Variation Art Fair se situe d’abord dans la diversité des techniques et média exposés : art vidéo, sculptures lumineuses, stéréo-lithographies, tirages numériques, dispositifs génératifs, installations interactives, art sonore, robotique, design, objets connectés.

Cela autorise des œuvres dont la provenance matérielle ne se pose pas en préalable. Ainsi les Dessins avec les yeux de Philippe Puycouyoul répondent aux subtiles Vanités en dessins assistés par ordinateur de Michel Paysant. La sculpture mobile en aluminium d’Elias Crespin Circualineados interprète une chorégraphie métallique dont les sources technologiques sont cachées, il en est de même pour les Vagues de Caroline Delieutraz .

Beaucoup d’œuvres issues de processus complexes séduisent par leur fluidité, appliquée dans les liens aux paysages et aux architectures notamment, c’est le cas d’Attract Money de Mickael Borras, de United Land par François Ronsiaux, ou du triptyque sur écran en vidéo 3d de Fito Segrera Agnosis : The lost memories . Apparemment plus statiques si ce n’est dans la matière improbable de l’image les bâtisses des Typologies du virtuel issues de Second Life de Thibault Brunet restent toujours aussi inquiétantes.

Les organisateurs ayant compris que le temps des démonstrations technologiques est révolu invitent à moins d’interactivité gadget. Sachant que nous sommes plutôt dans une période post-digitale ils font les liens historiques avec des œuvres qui ont anticipé et permis ces recherches. Ainsi dans la postérité des machines de pré-cinéma Pierick Sorin accroche ses petits Théâtres optiques, le personnage qu’il joue procède à toutes sortes de jeux en lien à l’identité et à ses modifications. Les images des Séries Paris-Delhi colorisées en Inde par Frédéric Delangle questionnent en creux le médium. Dans les opérations venant en antécédent de réalisation vidéo les Patent Drawings de Jeremy Bailey nous invitent à déchiffrer ces dessins comme autant de scripts d’une performance à enregistrer. La violence de l’Assault de Dani Ploeger se retourne même contre le matériel puisque après avoir tiré sur un iPad avec une AK47. Il projette une vidéo au ralenti avec l’impact sonore de ce tir en une installation qui rejoue le processus sans fin de sa propre destruction et régénération.

Si l’on ne devait retenir que deux œuvres de ces si riches propositions ce serait In between de Pascal Audressy et Sunlight entering the Bronx Museum on my 5Oth Birthday de Raul Valverde La première rend des effets numériques grâce à un mélange subtil de peinture et de projection vidéo, tandis que la seconde une sorte de lever de soleil dans une architecture 3D, recrée un événement qui n’est pas arrivé . Leur magie iconique comme leur poésie se joue du dialogue avec la matérialité du lieu d’exposition.
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