Née en 1994 et se manifestant selon une parution aléatoire, Maniac se présente comme étant « une revue d’amour critique ». De quoi s’agit-il ? Peut-être d’un bel oxymore trouvant sa seule résolution dans le système platonicien. Si l’amour peut bien être un objet d’analyse comme les autres, cette revue n’est pas une publication universitaire en sciences humaines mais plutôt un délicieux ouvrage réunissant des artistes. Maniac lie le texte à l’image et donne la part belle à la photographie.
Maniac, publiée par les éditions Astarté, est l’œuvre d’une bande, d’un clan, d’une famille, partageant un sens commun de l’éros, chic, maîtrisé, cruel, effrayant, sans pour autant désamorcer l’humour. On retrouve le photographe Gilles Berquet à la tête de la publication, et la poétesse et éditrice Marie-Laure Dagoit, en plume ritournelle. Mirka Lugosi apparaît en muse féconde. Ses dessins font face à des photographies où elle apparaît nue sous l’objectif de Gilles Berquet. Il semble, par l’enchaînement des pages, que la femme sorte de son propre imaginaire, qu’elle soit l’une des créatures aux vulves à tête de loup qu’elle invente. Maniac accueille en son sein ses figures tutélaires, ainsi Pierre Molinier et Hans Bellmer sont-ils convoqués dans le numéro huit consacré à la poupée, tandis que des images anonymes glanées dans des revues anciennes parachèvent toujours la séduction de l’ensemble.
C’est également en poursuivant le fil étroit des thèmes auxquels se consacrent chaque numéro de la revue que Maniac trouve sont identité. Femmes de toutes sortes, faites de chair ou d’écrous s’illustrent féroces ou soumises au sein de rapports de forces incessants. Maniac est une revue artistique appartenant à l’univers BDSM. Il ne s’agit pas entre les pages d’analyser la nature, les causes et les conséquences de tels rapports entre les êtres mais bien de s’adonner au plaisir de montrer, de voir, d’imaginer. Le regard caresse un visage couvert de latex, la bouche entravée d’un harnais. Une femme callipyge s’assoit sur le visage d’un homme alors qu’une autre se pénètre avec un concombre. Les pieds se sucent, les femmes se pendent. Bas et porte-jarretelles sont de rigueur. Il semble que les ornements du corps deviennent une contrainte jouissive.
Aucun jugement n’est porté sur les pratiques mises en scène. Maniac est un objet intime. Son format est modeste, l’ouvrage se feuillette sans difficulté. On est loin des revues érotiques nées vers la fin des années 2000 à Paris ou à Londres comme Edwarda, L’Imparfaite ou encore Irène, arborant toutes de grands formats garnis de lourds papiers. Maniac, ancêtre de ses consoeurs érotiques davantage médiatisées, demeure un objet réjouissant tant l’on entrevoit le plaisir avec lequel il a été conçu et l’on apprécie la légèreté avec lequel on le découvre.