Présentée successivement à L’été photographique de Lectoure puis dans la galerie Artegalore les images de Mirela Popa nous tiennent dans un étrange sentiment de suspens du monde. Toutes ses scènes nous offrent comme les échos glacés d’un monde , telles ces galaxies mortes dont la lumière nous parviuent encore du fait de l’éloignement dans une distance incommensurable.
1 Le corps un objet à formater
Ancienne petite gymnaste étoile du temps de Cauescu elle nous met face à face avec les postures extrèmes de ses petites congénères qui savent qu’aujourdhui comme avant hier leur salut social individuel et toujours aussi celui de leur famille passe par ce formatage contorsionniste à l’extrème opposé de tous les possibles de la chorégraphie contemporaine.
2 Des fétiches pour le voyage
L’objet c’est ce qui génère et accompagne le voyage. Dans l’antériorité et comme un remake du film « Le voyage du père » elle imagine une épopée à base des petits éléphants en verroterie avec lesquels s’est effectué dans sa jeunesse « linvasion de l’Europe ». Ces bimbeloteries photographiées et la carte de leur progression à l’initiative paternelle rappellent avec humour les conquêtes coloniales retournées sur leurs colons mêmes.
A l’opposé les performances menées avec la mère tissent le fétiche de fil rouge en partage féminin du monde, sans aucun esprit conquérant.
Les modèles compagnons de ses périples à elle, figures d’Europe Centrale, sont les gens du voyage : leur portrait en pied devient objet-image en tiré à part de son catalogue. Ce voyage se met en boucle de « 2000 à 2000 », de France en Roumanie dans l’écriture tremblée des phares et retour.
Parfois le paysage lui-même se donne vocation d’un problématique objet organique ; deux arbres se défolient en « Poumons de Bellevue » sur fond de terrils qui se jouent mamelons en diable. Vision rapide d’un autre corps suspenduà une itinérance.
3 Signaux de distance
Mirella Popa fabrique objets et clichés destinés avant tout à un projet énoncé il y a longtemps par le poète Paul Eluard « Donner à voir ». Le don transite par ces objets qui permettent à l’artiste d’abord, puis à nous dans son sillage, de se situer dans ces espaces nomades, ils y tracent des marqueurs de distance. Ce sont les papiers d’identité au graphisme pesant disséminés dans les espaces d’affichage de la ville ; ce sont les cordons de sécurité qui désignent la scène d’une officialité, l’espace de la monstration et celui de l’éternel public devenu audience. C4est le tapis rouge qui accompagne et départage cet bespace cérémoniel, son lustre et ses pompes. Ce sont les tapis individuels qui sèchent sur des balustrades et instaurent la distance avec les lieux du cliché touristique.
Dans une société où l’échange et le potlach ne sont envisageable que dans la générosité du projet artistique Mirela Popa créée des objets susceptibles d’opérer une délivrance du corps ready made de sa gangue d’idéologie, leur existence suscite autant d’arrêts suspensifs dans le voyage vite des nouvelles relations européennes, monde contre monde.