Françoise Paviot propose tout cet été au Musée Réattu une exposition historique qui met l’accent sur deux institutions américaines qui ont compté dans l’histoire de la photographie l’école du New Bauhaus devenue Institute of Design de Chicago et la revue Aperture. En ce cinquantième anniversaire des Rencontres il est important de rappeler que le Musée arlésien a été en 1965 le premier en France à consacrer sur le modèle du MOMA une importante collection à la photographie. C’est à travers un numéro de 1961 regroupant les portfolio de cinq étudiants qu’est construite cette exposition « We were five ».
On sait que le Bauhaus a connu un double destin, celui de sa création en 1919 à Dessau par Walter Gropius qui s’est associé à Laszlo Moholy-Nagy et sa reprise américaine par ce dernier aux Etats Unis après que l’institution historique ait été fermé par les nazis. C’est que l’établissement était profondément révolutionnaire dans son approche de tous arts visuels et manuels, dans son positionnement entre art et artisanat mais aussi dans ses liens avec l’industrie. L’enseignement de l’art visait un véritable projet de société. En 1937 c’est à Chicago qu’est créé le New Bauhaus qui devient la New school of design, le projet pédagogique garde les mêmes constantes si ce n’est que la photographie y trouve une place encore plus importante.
Suite à une semaine de conférence organisée en 1951 par Minor White qui pose les questions des rapports entre la photographie et l’art, son esthétique propre et surtout celle de l’enseignement spécifique, il décide de créer la revue Aperture avec Ansel Adams, Barbara Morgan, Nancy et Beaumont Newhall. Il en restera le rédacteur en chef jusqu’en 1976. Parmi les cinq étudiants en fin de cursus sélectionnés par Aaron Siskind et Harry Callahan deux d’entre eux ont marqué l’histoire du médium Kenneth Josephson et Ray K. Metzker. Les trois autres sont à redécouvrir et constituent un état de la création argentique à l’époque. Chaque portfolio est accompagné d’un texte d’ouverture plus ou moins critique.
Joseph Sterling répond le mieux à cette esthétique de la rue américaine avec ses portraits sur le vif des adolescents de Chicago dont il cadre les relations communautaires. Joseph Jachna développe une approche post-surréaliste de la matière de l’eau. Le plus original dans son approche du corps , Charles Swedlund, utilise lumière et mouvement pour en donner une interprétation dynamique. Comme la sélection est purement masculine, effet d’époque, Françoise Paviot a eu envie d’y associer une artiste issue du même établissement et dont le parcours l’a toujours intéressée, Barbara Crane. Cette élève d’Aaron Siskind qui a rédigé une thèse sur la photographie travaille de façon très contemporaine sur des séries totalement indépendantes qui remettent en question tous ses a priori esthétiques. Elle est aussi une adepte du polacolor qu’elle utilise avec une réelle maîtrise.
Avec ses oeuvres d’une réelle puissance visuelle l’exposition donne surtout l’occasion de revoir les essais formels d’une haute valeur poétique de Kenneth Josephson, son sens de l’image composée et ses jeux de superposition. Ray K. Metzker travaille les atmosphères lumineuses contrastées de la ville industrielle qu’est Chicago.