Wilfrid Almendra est sculpteur. Il conçoit ses oeuvres et les réalise lui-même, ce qui est aujourd’hui assez rare pour être souligné. Ses formes dénotent de l’influence de la culture rock et d’un fort intérêt pour le jardin, notamment les jardins et aménagements « paysagers » pavillonnaires. Cette double spécificité nous renseigne sur le choix du titre de l’exposition récemment présentée au FRAC – Collection Aquitaine Rock Garden, sa première exposition monographique.
Jeune artiste (né à Cholet en 1972 – il vit et travaille entre Cholet et Malakoff), l’exposition conçue par le FRAC – Collection Aquitaine en collaboration avec Zebra3 permet d’observer une évolution dans sa création depuis 2000, tout en soulignant ses centres d’intérêts évoqués précédemment. (L’association ZEBRA 3, créée en 1993 à Bordeaux, s’emploie à l’accompagnement de démarches artistiques et expérimentales au travers de manifestations, de publications et par la création d’ateliers).
Lorsqu’il s’acoquine avec deux autres artistes Daniel Dewar et Grégory Gicquel, ils réalisent ensemble plusieurs sculptures « fait main » dans un répertoire de formes variées : de la truelle de maçon à la guitare. Huit sculptures Hand Made Guitar Bodies (2004) reprennent ainsi la forme de caisses de guitares. Sculptées dans le bois et peintes de différentes couleurs, chacune reprend la forme d’une guitare existante. On retrouve la forme de la caisse d’une guitare comme socle de la sculpture Backflip dans un hangar (2006). Le socle de bois verni de grande dimension supporte un garde-boue de moto sur lequel semble pousser des sortes de cristaux d’acier poli ou mat. Le garde-boue semble échoué sur une planète extra-terrestre dont les cristaux seraient le signe. Du corps de la guitare s’échappent des flammes souples et ondulantes en toile de jean qui contaminent le sol et grimpent sur le mur du bâtiment. Cette sculpture peut être rapprochée d’une des dernières sculptures de Florian et Michaël Quistrebert (jeunes artistes nantais) If you’re ready, comme go with me, 2006, dans le choix des matériaux, l’influence de la musique et le courant sculptural ; le socle de cette sculpture reprenant d’ailleurs la forme d’une caisse de guitare.
Les sculptures de Wilfrid Almendra comportent des éléments à la frontière d’une esthétique kitsch. Good Bye Sunny Dream arbore ainsi une sensibilité kitsch sous-jacente : sorte de vaisseau viking customisé « rock » constitué d’un socle en bois surmonté d’un bloc d’aluminium fuselé, terminé d’une queue en fer forgé, et rehaussé de demi-sphères de céramique. Wilfrid Almendra emploie de manière intéressante et importante la céramique et le bois en tant que matériau. La céramique appartient d’ailleurs aujourd’hui à la culture populaire, à laquelle le kitsch s’abreuve, même si ce ne fut pas toujours le cas dans l’histoire de l’art. A cet égard, Wahiava figure une vague figée de carreaux de céramique inspirés des azulejos portugais, sur laquelle est dessinée une très grande feuille au feutre.
A l’espace Ricard à Paris, Wilfrid Almendra est également présent dans l’exposition Zones Arides avec l’imposante sculpture Mimosa qui représente un pommeau monumental de bois dont s’échappent une tuyauterie chromée qui semble s’enfoncer dans le sol. Cette pièce figure une création hybride certainement inspirée d’éléments mécaniques des énormes voitures qui sillonnent les déserts américains, thème de l’exposition. Tandis qu’au Lieu Unique à Nantes, dans le cadre de la même exposition Zones Arides, il présente une installation After a Long Day of Riding (2005), paysage de graviers s’écoulant de deux lames en acier.
En effet, le paysage et notamment les aménagements décoratifs des jardins pavillonnaires, qui pour beaucoup ont adopté l’esthétique kitsch, apparaissent dans le travail de Wilfrid Almendra comme des éléments dignes d’intérêt. VLZ310 (2004) réunit des éléments d’une entrée de pavillon virtuel imaginé par l’artiste en une sorte de métonymie. On y retrouve les 3 marches d’un perron ou du jardin bordées d’un muret sur lesquelles est exposé tel un pot de fleur un ananas en céramique disproportionné. L’intérêt pour le jardin peut aussi se manifester à travers la Piste à ricochet, sorte de grand canal inspiré d’un jardin à la française et transposé dans l’ancien hangar qu’occupe aujourd’hui le FRAC – Collection Aquitaine. Il approfondit l’espace, reproduit en inversant la structure du bâti ainsi que le paysage extérieur par le reflet dans l’eau. Non denué d’humour, le titre évoque le jeu et la compétition des enfants (et parfois des adultes) qui au bord d’une étendue d’eau sélectionnent l’aérodynamisme, le fuselé, le poids et la taille du caillou qui rebondira le plus grand nombre de fois sur le matelas aquatique. Mais cette oeuvre positionne également le spectateur du côté de la contemplation, on se noie dans le reflet du miroir d’eau apaisant. Piste à ricochet apparaît clairement comme une pièce différente des autres, moins « rock », elle est effectivement la plus ancienne, et pourtant le kitsch s’y insinue en ce sens qu’une de ses manifestations recouvre une esthétique de copie du majestueux, type grand canal versaillais, sans les moyens du majestueux ni l’harmonie.
Comme il en a été question tout au long de cette description, Wilfrid Almendra emploie divers matériaux (bois, céramique et métaux) dont il exploite les possibilités en maîtrisant les techniques de la sculpture. Pour Skate Bord (2000) par exemple, il a patiemment sculpté le marbre pour en faire émerger la forme d’un skate bord muni de roues en acier. En France actuellement semble se dessiner une sensibilité particulière dans la sculpture contemporaine, dont feraient partie les quelques artistes cités dans ce texte : une sculpture de grande dimension, assemblage de matériaux divers et de formes hétéroclites néanmoins harmonieux, empruntant aux objets communs tout en les hybridant, détournant et customisant, marquant ainsi une réflexion novatrice par rapport au courant pop des années 60. Il est ici bien question de sensibilité formelle et non de courant intellectuel.
La différence de Wilfrid Almendra avec nombre de sculpteurs travaillant dans une même veine, et même plus globalement avec les grands courants de la sculpture depuis les années 60 : c’est qu’il se positionne du côté du travail patient du sculpteur avec des créations « faites main » ; ce qui est d’autant plus surprenant au vu des finitions très léchées. On constate en cela une proximité de sa production avec les arts décoratifs.